Evidemment, le culte qui entoure William S. Burroughs (1914-1997), son aura d’écrivain tout à la fois génie et junkie, son invention du cut up avec Brion Gysin à Paris à la fin des années 1950, son influence encore persistante auprès de générations d’artistes, de musiciens, ou encore de réalisateurs comme Gus Van Sant qui l’invite dans son film Drugstore Cowboy (1989), tout cela donne à chacun de ses objets artistiques la valeur d’un fétiche. Mais il faut savoir dépasser ce stade idolâtre pour tâcher de mieux regarder, de mieux considérer ce que l’auteur du Festin nu (1959) met alors sous nos yeux.
De près comme de loin, les peintures « exécutées » par l’écrivain américain William S. Burroughs au Kansas à la fin des années 1980 et après, m’apparaissent d’emblée comme des peintures absolument punk. Un ami m’a d’ailleurs récemment murmuré à l’oreille qu’une de ses toiles réalisées en tirant au fusil, aurait été « carabinée » par la chanteuse Debbie Harry, alias Blondie. Il y a de la sauvagerie dans cette bad paintingabstraite, dans ces compositions désordonnées comme dans cette palette d’assez mauvais goût – je ne peux m’empêcher d’y voir et d’y entendre quelque chose d’un punk californien, ou le titre Sabotage (1993) des Beastie Boys, plutôt que la mythologie new-yorkaise qui colle généralement à la peau perfusée de Burroughs. Si je devais l’associer à l’œuvre d’un autre artiste, je le verrais bien exposé aux côtés des peintures perverses et noisy de l’allemande Jutta Koether, à ses grilles contusionnées issues de pratiques méditatives pour le moins nerveuses.