Un Oscar après l’autre
Si Une bataille après l’autre a tant fait jaser en amont de sa sortie, c’est parce qu’il représente un investissement colossal, parfois même jugé inconscient, pour son coproducteur et distributeur Warner Bros. Les sources de Variety donnent une fourchette allant de 130 à 175 millions de dollars, soit à peu près l’équivalant de l’enveloppe allouée au dernier Godzilla x Kong. Or, jusqu’ici, le plus gros succès d’Anderson au box-office est There Will Be Blood, qui a apporté… 76 millions de dollars.

Ce n’est pas qu’une histoire de gros sous : le cinéaste avait peut-être bel et bien besoin d’un budget de blockbuster pour raconter cette histoire qu’il rumine depuis des années, celle d’un ancien plastiqueur membre d’un groupe armé révolutionnaire dont la fille est enlevée par sa némésis, un militaire zélé, par ailleurs suprémaciste blanc. Mais avec une somme aussi énorme vient généralement un cahier des charges et le studio espère probablement en tirer non pas un retour sur investissement, mais quelques brouettes d’Oscars.
Décrite comme la plus mainstream des œuvres du metteur en scène, elle aurait donc aussi très bien pu être la plus calibrée. Bonne nouvelle : c’est très, très loin d’être le cas. Cette longue poursuite, avec ses ruptures de ton, est moins une aventure pleine d’action telle qu’Hollywood en dégueule dans nos multiplexes qu’un véritable survival désespéré et hargneux. Et surtout, sa hargne est profondément, frontalement politique, aux antipodes du statu quo défendu habituellement par les divertissements de ce calibre.

Tout est chaos
Dès les premiers plans, le ton est donné. Une femme va et vient. La caméra descend vers un camp de rétention pour réfugiés, puis remonte. Orfèvre du format large, Anderson profite des moyens à sa disposition pour relever un défi à la hauteur de son style : raconter une fuite en avant perpétuelle, un interminable jeu de chat et de souris explosif, sans jamais pour autant perdre de vue les personnages qui gesticulent dans le chaos ambiant.
Une bataille après l’autre, ils se coursent, se carapatent, se poursuivent sans relâche jusqu’à ce qu’un enfant arrive et exige une certaine stabilité. Rien n’y fait : malgré la séparation, de gré ou de force, ils sont rebalancés dans ce maelström de violence et de cruauté. Que ce soit les idéaux politiques radicaux des révolutionnaires, les pulsions sexuelles de leurs ennemis ou même les méfaits de leurs aïeux, tout les pousse à revenir dans l’arène, ou plutôt dans la course.

Et la mise en scène, prodigieuse, relève le défi avec panache. La caméra d’Anderson balaie la bataille de Baktan Cross (le titre provisoire) avec une intensité folle, notamment lors d’une géniale séquence de raid où un Benicio del Toro flegmatique prend la main, secondé par une armée de skateurs roulant en formation. Mais au milieu de tout ça, elle reste, comme toujours chez Anderson, complètement assujettie à la performance des comédiens, traqués en gros plan malgré le bordel général.
Bien sûr, grâce à l’un des meilleurs directeurs d’acteur en activité ainsi qu’à une intrigue en surtension permanente, ils sont tous à la hauteur de leur personnage. Chase Infiniti prouve qu’elle n’a pas uniquement été castée parce que son nom décrit le film, Regina Hall est aussi excellente que d’habitude, mais c’est bien sûr DiCaprio et Penn qui sortent le grand jeu. Le premier semble disjoncter en temps réel, tandis que le second livre la performance la plus hallucinée de l’année, peut-être même de sa carrière, comme possédé par l’esprit du fascisme américain. D’aucuns diraient qu’ils en font un peu trop. Mais dans ce cas, mieux vaut trop que pas assez.
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