Moffat Takadiwa est connu pour ses œuvres aux formes organiques, créées à partir d’objets récupérés dans l’une des plus grandes décharges du Zimbabwe aux environs de Harare. En détournant des produits de consommation courante, et en leur insufflant une nouvelle vie, Takadiwa dénonce les relations de pouvoir, économiques et politiques. Entre dénonciation et sublimation, ses œuvres font écho aux résidus de la domination coloniale, aux vestiges d’un monde ultra-globalisé, et aux enjeux écologiques de la surconsommation.
Par le biais de touches de claviers d’ordinateur qui envahissent ses compositions, Moffat Takadiwa accorde une importance fondamentale au langage. Tels des sons qui se déplacent, ses œuvres mettent dos à dos deux cultures : l’une issue d’une tradition orale, et l’autre d’un paysage ultra-digital sans cesse inondé par des flux de mots. Métaphores de la culture numérique, ces touches disloquées incarnent la nouvelle langue commune de l’internet, dépourvue d’une identité géographique et culturelle, et dont le vocabulaire ne cesse de se transformer et se codifier. En désossant des claviers QWERTY tel un alphabet devenu malléable, l’artiste prend surtout pour cible la langue anglaise, symbole de la mondialisation et de l’histoire du Zimbabwe. En réassemblant en permanence ces touches, libérées de leur contexte, l’artiste démantèle ce langage pour en créer un nouveau qui lui est propre, libre de toutes les contraintes politiques, économiques et culturelles d’un territoire, comme le font les générations nées dans l’ère post-digitale.
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Semiose est heureuse d’accueillir dans sa Project Room un ensemble d’œuvres récentes du duo Hippolyte Hentgen. L’installation fait suite à leur solo show à l’Artothèque de Caen (Femme pratique de juillet à octobre 2022) et fait écho à leur participation à l’actuelle exposition collective au MAC/VAL, « Histoires vraies » pensée par Franck Lamy. Le tandem réalise depuis quelques mois une série de peintures, collages, installations et vidéos autour de leur nouvelle marotte : Femme pratique, une revue emblématique des années 1970. Destiné à un lectorat féminin, le magazine se partage entre modernité et conservatisme, véhiculant clichés et autres rubriques reflétant une émancipation difficile, malgré le vent de liberté de la récente révolution de Mai 68. À partir de cet ensemble de revues, Hippolyte Hentgen entremêle avec humour les paradoxes et les questions de représentation dans leurs nouvelles œuvres.