Héraclite ayant prévenu que « les hommes éveillés n’ont qu’un monde » [1] quand les endormis en ont chacun un, le leur, la tradition métaphysique, dans son questionnement sur la ‘‘réalité’’ de la réalité, en est toujours venue à l’argument du rêve pour éprouver l’évidence de l’ ‘‘évidence’’ : puisqu’il est peu aisé, sinon bien ardu de distinguer ce qui est fantasmé de ce qui est vécu, tout cela, à savoir moi et ce que je vois, pourrait n’être qu’un songe, et donc un beau mensonge. Le rêve est après tout bien réel : son expérience est pour moi quotidienne, expérience durant laquelle n’existent effectivement ni le monde dans lequel je pense évoluer, ni les hommes auxquels je crois parler, ni les choses qui m’entourent, ainsi que les atours qu’il me semble porter, ni même le corps que j’ai l’impression d’habiter. Certes, il peut parfois m’arriver d’être ce qu’il faut bien appeler un ‘‘rêveur lucide’’, soit un rêveur à même de savoir qu’il rêve et de continuer à le faire, je dois cependant avouer que mes rêves m’échappent le plus souvent, ne se donnant jamais pour oniriques mais si fortement pour authentiques qu’il m’arrive, au réveil, de ne pas croire avoir simplement rêvé. N’ayant alors aucun moyen de douter de ce qu’ils me suggèrent, étant donné qu’il n’est pas simple de les découvrir imaginaires, comment ne pas partager l’embarras des héros de Calderón ou de Corneille qui, dans La vida es sueño ou L’Illusion comique, se demandent si la réalité n’est pas qu’illusion et telle ou telle illusion la réalité ?
https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2009-4-page-779.htm
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TENTATIVE D' EXPLICATION
Le sens que l'homme cherche ne se trouve pas dans les choses, mais dans l'interprétation qu'il se fait des choses. Autrement dit, rien n'a de sens en soi, le sens même n'existe qu'à travers nos interprétations, il n'est qu'un produit de l'intellect humain, et la quête de sens, une fonction intellectuelle. Chaque homme donne un sens différent aux choses, et ce sens est relatif aux désirs de chaque homme. En dehors de toute interprétation, rien n'a de sens.
Mais si rien n'a de sens, qu'est-ce qui pousse la vie à se développer et l'homme à vivre ? Pourquoi je vie si ma vie ne signifie rien ?
Pour le comprendre, il faut mettre de côté sa réflexion, oublier ses opinions et ce que l'on croit savoir. Il faut embrasser l'ignorance et plonger dans l'absurde.
Détaché du sens que l'on a donné au monde et à soi même, écarté de nos interprétations, il ne reste qu'un vide silencieux en nous. Pourtant, même dans ce vide, même en l'absence de sens et de valeurs, on continue à vivre. Le corps continue de respirer, et on continue à vouloir, à désirer, à agir. C'est à travers ce processus de détachement que la conscience se détourne de l'intellect et fait face à l'être. C'est ainsi que l'homme fait face à son essence, à ce qui l'anime réellement et anime tout ce qui vie: l'énergie vitale.
Tout ce qui existe est une manifestation de cette énergie, et cette énergie se manifeste différemment à travers tout ce qui existe.
Cette énergie vitale peut être appelée de différentes façons selon les interprétations : volonté, volonté de puissance, conatus, force, ki...
Mais à travers tout ces concepts, c'est cette même énergie qui est désignée.
Après avoir pris conscience de ce qui nous anime, on se détourne de nos interprétations et opinions et on place son attention sur son intuition. L'intuition, c'est l'énergie vitale qui se manifeste à travers l'intellect. La réflexion et la raison sont alors secondaires à l'intuition, et ne sont utilisés qu'en tant qu'outils pour accomplir ou mettre en forme les volontés intuitives.
Il faut voir l'homme comme une machine, son intellect comme le logiciel d'exploitation de la machine, et l'énergie vitale comme ce qui anime la machine. Ce que la machine humaine tend à faire c'est être et vivre en accord avec l'énergie qui est en elle. Pour ce faire, il faut que son logiciel fonctionne en harmonie avec son énergie (d'où l'utilité de l'intuition) et qu'il lui permette d'appliquer la volonté de son énergie à son environnement( d'où l'utilité de la raison). Aussi, il faut que la machine soit physiquement apte à se mouvoir en accord avec son énergie. (Par exemple, si mon intuition me dit d'escalader un mur, il me faut utiliser ma raison pour étudier ce mur et user de mon corps pour réaliser la volonté de mon intuition.)