L’exposition Rolf Julius / Kevin Rouillard instaure un dialogue au premier regard surprenant, entre deux artistes qui ne se sont jamais croisés dans la vraie vie, mais qui se rencontrent ici, à Xippas Paris, pour transformer la galerie en une partition à deux voix. L’un est une figure historique incontournable de l’art sonore, connu pour ses gestes souvent modestes et délicats. Tels des interrogations, des suggestions – des murmures dans l’espace. L’autre – un jeune artiste en pleine ascension qui, au contraire, s’approprie le contexte d’exposition d’une manière affirmée et laisse ses dispositifs se déployer sur les murs en barricades ou en tortues de boucliers – en machines de guerre. Bien que les deux visions s’enracinent dans des contextes fort différents, aux pôles conceptuels opposés, l’on peut y entendre des rythmes communs qui créent des liens ou des ponts entre deux mondes, les rapprochant dans le temps et l’espace.
Rolf Julius (1939 – 2011), artiste allemand est connu depuis les années 80 pour ses sculptures et installations sonores, comme pour ses concerts et performances. Ses expositions ont eu lieu autant en Europe que dans les deux Amériques ou encore au Japon dont l’esthétique lui était particulièrement proche.
Kevin Rouillard, né en 1989, crée quant à lui des installations et des sculptures murales à partir des bidons qu’il aplatit en les martelant. Parfois aussi il réunit des plaques en métal qu’il soude ensemble pour créer des compositions à la fois complexes et simples, faites avec des matériaux ‘pauvres’. Imposantes tout en restant austères, ses pièces sont issues d’un procédé qui s’appuie sur la logique du recyclage. D’abord, il récupère des matériaux qui sont habituellement recyclés – en effet, les bidons (son matériel-signature) sont employés de mille manières après avoir mené leur vie nomade de containers de transport, métamorphosés en assiettes ou mobilisés dans des constructions architecturales. Puis, il les classe, les organise, les transforme. Il les amène vers leur finalité ultime et les soustrait à la circulation des biens dans le monde. Ce geste de soustraction qui nous incite à nous arrêter, à faire une pause dans la course contre la montre, qui nous pousse à sortir de la logique de consommation, crée un pont vers l’esthétique de Rolf Julius qui lui aussi ‘recycle’ des éléments trouvés pour diriger notre attention vers l’environnement, le contexte, en nous faisant ralentir.