Dans un hangar désaffecté sur les quais d’une grande ville moderne, un homme vient se donner la mort. Il se croit seul, mais fait rapidement la rencontre d’une faune obscure de déclassés, de voyous et de marginaux. Il rejoint un milieu.

Dans ce hangar, tout se vend et tout s’achète. La vie, la mort. Celui qui veut mourir, cet homme qui a profité du système capitaliste jusqu’à la nausée, devra monnayer sa mort avec ceux-là mêmes qu’il a spoliés. Dans ce hangar à l’abandon où la lumière s’infiltre à travers des trous dans la tôle, c’est la tragédie du monde moderne qui se joue à huis-clos, incarnée par des personnages venus d’ici et d’ailleurs, d’Amérique du Sud ou d’Afrique, un condensé d’humanité, une globalisation avant la lettre. En 1986, Patrice Chéreau monte Quai Ouest, ici même, au Théâtre des Amandiers qu’il dirige alors. En 2014, Ludovic Lagarde s’empare à son tour de ce texte et le présente au Théâtre national d’Athènes avec une distribution grecque. La déflagration de la crise des subprimes a laissé un pays exsangue. Les enjeux du texte de Koltès, cette financiarisation du monde jusque dans les rapports intimes, parlent aux spectateurs grecs. Lagarde la remet sur le métier aujourd’hui avec, entre autres dans la distribution, Dominique Reymond, Christelle Tual, Laurent Grévill, Micha Lescot, Laurent Poitrenaux… Parce que cette pièce n’a rien perdu de son acuité. Parce qu’elle annonce un monde dans lequel « la marge – comme espace de subversion sociale mais aussi comme source de créativité artistique – a disparu pour laisser la place au tout économique », écrit Ludovic Lagarde. Parce que le théâtre de Koltès demeure un théâtre de révolte.