Le lien entre ces deux œuvres repose sur le regard attentif de Vuillard, qui choisit de représenter son ami face au Paysage au Cannet dans une remarquable mise en abyme picturale. Si Bonnard lui-même reste bien reconnaissable, la représentation de son tableau dans ce portrait agit comme une véritable signature artistique. En reproduisant avec une grande finesse les détails du Paysage au Cannet, Vuillard rend hommage à son ami en adoptant la touche colorée et sensible du peintre.

Cet accrochage inédit se trouve enrichi des autres tableaux de Bonnard appartenant au Musée d’Art Moderne de Paris, ainsi que de L’Atelier au mimosa prêté par le Centre Pompidou.

Ensemble, ces tableaux évoquent l’installation de Bonnard dans la villa « Le Bosquet » au Cannet, avec son épouse Marthe, modèle du Nu dans le bain et Femme à sa toilette. La demeure entourée d’un jardin devient alors une source d’inspiration inépuisable pour le peintre. Dans son Paysage au Cannet, Bonnard immortalise la vue qui s'étend au-dessus de la villa, tandis que dans L'Atelier au mimosa, il nous invite à contempler le même paysage, mais cette fois depuis la fenêtre de son atelier, révélant un autre point de vue sur ce lieu tant aimé. La végétation foisonnante qui entoure la demeure se manifeste également dans Le Jardin, où les vibrations colorées des différentes fleurs et plantes, alliées à la profondeur de la toile, nous invitent à marcher dans les pas de l’artiste.

 

Daniel Pommereulle

À l’occasion de l’entrée en collection d’œuvres de Daniel Pommereulle, le Musée d’Art Moderne de Paris rend hommage à cette figure hors normes de la scène artistique française. Peintre, sculpteur, cinéaste, performeur et poète, Pommereulle a traversé la seconde moitié du XXe siècle porté par des engagements radicaux, en élaborant des formes qui éprouvent notre vulnérabilité par l’expérience de la violence et de l’infini

Mobilisé pendant la guerre d’Algérie en 1957, Pommereulle reste marqué par cette expérience traumatique qui parcourt ses créations. Il est également influencé à ses débuts par l’onirisme d’Odilon Redon, des surréalistes, et d’Henri Michaux avec qui il partage le goût des drogues hallucinogènes. En 1966, identifié comme un objecteur par le critique Alain Jouffroy, qui qualifie ainsi les artistes revendiquant l’héritage de Marcel Duchamp et la révolte politique, il expose un Pêcher en fleur au Salon de Mai, au Musée d’Art Moderne de Paris. Il déploie dans son œuvre une esthétique de la violence et de la cruauté, des objets blessants et des appareils de torture (Toboggan, 1974), qui menacent directement les visiteurs .

 

Connu en tant qu’acteur pour ses apparitions dans les films de la Nouvelle Vague, l’artiste présente dans La Collectionneuse d’Éric Rohmer (1967) son premier Objet Hors Saisie qu’il développera avec la série des Objets de prémonition (1975) : des pots de peinture renversés et des sculptures de plomb, armés de lames de couteaux et d’objets tranchants. Dans les années 1980, Pommereulle séjourne en Corée et au Japon, infléchissant un tournant dans son travail. Sa pratique tant graphique que sculpturale, à travers l’emploi du verre, de la pierre et de l’acier, cherche à canaliser des énergies cosmiques. Jusqu'à sa disparition, selon Armance Léger, « la transparence, l'air et le vide sont les nouveaux termes de son exploration.  »