PAULINE BAZIGNAN
BATAILLE
3 juin – 17 juillet 2021
À l’instar de l’écrivain face à sa page blanche, la prise de possession de la toile vierge hante tout autant Pauline Bazignan. L’artiste va au combat pour qu’une relation d’intime complicité entre elle et son sujet vive au cœur de ce territoire inviolé. Il s’agit de l’apprivoiser pour lui offrir les contours qui deviendront émotion où se mêle cohésion et indiciblement l’âme de Pauline Bazignan. Au motif récurrent de la corolle symbolisée par la coulure et l’expressionnisme bouillonnant qui envahi l’entièreté de sa toile, elle bataille pour afficher la trace de cette domination qui deviendra au fil de sa pratique un motif à part entière. Ce all-over propre à l’artiste conduit à un enchevêtrement compulsif : dense mais paradoxalement transparent fait de légèreté, chaque tableau devenant un palimpseste de déversements de coulures successives. Peindre, dès lors, consiste pour l’artiste à généraliser les tensions en supprimant toute hiérarchie entre la figure et le fond dans un entrelacs que nous aurions bien du mal à démêler, émancipation de son geste pictural, Pauline Bazigan se libère du carcan où la couleur s’emballe, fluide jusqu’à la coulure qu’elle adopte telle une signature personnelle et moteur esthétique de ses œuvres. ‘‘Plutôt que de quitter le tableau, les coulants luttent à l’intérieur du cadre pour en faire surgir des formes inédites.’’1 Ainsi, Pauline Bazignan – par volonté ou parfois par accident – fait que la coulure crée diverses poésies plastiques, l’objet devient alors sujet proposant un démenti majeur aux théories classiques de la peinture.
À l’occasion de sa première exposition personnelle à la galerie Praz-Delavallade Paris, Pauline Bazignan nous invite à remonter le temps. L’artiste nous renvoie en 1432 : Paolo di Dono di Paolo, plus connu sous le nom de Paolo Uccello, peintre Florentin de la Première Renaissance, nous narre La Bataille de San Romano, bataille héroïque qui opposa les Siennois aux Florentins. Trois vastes toiles seront nécessaires pour que vive cette épopée que Pauline Bazignan réinterprète dans une étonnante transposition. Y figurent le Condottiere Niccolo da Tolentino, chef Florentin face aux Siennois Bernardino della Ciarda. La bataille est engagée, le bruit des glaives qui s’entrechoquent monte dans cette plaine de San Miniato en pleine Toscane. Jaillissant de toutes parts, les hommes en marche, piques et lances déployées, font face aux fantassins leurs pavois2 en avant pour se protéger des piques meurtrières. Une première vague s’élance suivie d’une contre-attaque, mêlée