Ouistreham d'après le livre de Florence Aubenas
Dans ce travail d’enquête à la croisée de l’expérimentation sociale et du témoignage infiltré, où la journaliste s’était immergée pendant plusieurs mois sous un faux nom parmi les travailleurs précaires de la ville de Caen, l’auteur de L’Adversaire (Gallimard, 2002) a reconnu l’un de ces vertiges de l’identité qui lui sont chers et choisi, sous l’impulsion de la comédienne Juliette Binoche, de le convertir en fiction. Il n’en fallait pas plus pour que ressurgisse intacte, avec Ouistreham, en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, une question qui taraude le cinéma français depuis longtemps : celle du réalisme dès lors qu’il s’agit de représenter les classes populaires.
En plongeant Juliette Binoche au milieu d’un casting de non-professionnels recrutés in situ, Carrère grille assez vite le suspense qui entoure l’identité de son héroïne
Pour les besoins de son prochain livre, Marianne Winckler (Binoche), journaliste parisienne fondue incognito dans une ville moyenne, se glisse dans les files de Pôle emploi et parvient à se faire engager comme femme de ménage, d’abord dans des bungalows puis sur les ferries qui relient la côte normande à l’Angleterre. Elle découvre alors, en même temps qu’elle les partage, mettant la main à la pâte, et parfois au fond des toilettes, les conditions de travail et de vie de ces employés corvéables à merci, payés au SMIC, soumis à des horaires éclatés et des trajets infernaux. L’infiltrée fait surtout une série de rencontres : Cédric, demandeur d’emploi et doux dragueur ; Nadège, l’impayable chef d’équipe sur les ferries ; Justine, la pin-up de l’escadron, et surtout Christèle, jeune mère célibataire au caractère bien trempé avec laquelle se nouent de profonds liens d’amitié. Tous comptent parmi les « invisibles » que la journaliste cherche à rendre visibles, au risque de jouer avec leur confiance.
le masque est obligatoire le pass sanitaire également