de Nathalie Boutté, artiste reconnue pour son travail unique du
papier
Intitulée Elles, l'exposition réunit une série de portraits-hommages
de femmes venues de différents horizons : d’Océanie, d’Afrique,
d’Europe, jusqu’au cercle familial de l’artiste. Si l’Histoire a souvent
retenu leurs actions sans toujours en conserver les visages, l’artiste
entreprend ici un geste de réparation symbolique.
Cette exposition est une invitation au voyage entre les territoires ;
elle résonne comme un chant de femmes traversant les géographies
et les époques. Ses portraits rendent visibles celles qui furent
puissantes et pionnières, anonymes ou familières, et dont les histoires
composent une mémoire universelle.
Inventer une technique, c’est inventer un langage. Celui de
Nathalie Boutté naît du papier, matière brute et végétale. Ses œuvres
ne relèvent ni de la photographie ni de la peinture : elles se construisent
par l’assemblage patient de milliers de fragments découpés et collés.
De près, l’œil se perd dans la matière, dans les fibres du papier et les
lignes de texte ; de loin, les visages émergent, habités, puissants. Ce
va-et-vient du regard entre détail et ensemble, figure et abstraction
nous rappelle l’essence même de son travail : faire surgir une image
de la matière.
En Nouvelle-Zélande, à la fin du XIXᵉsiècle, deux jeunes femmes māori
nous apparaissent, tatouées des moko kauae, ces marques portées
autour de la bouche, symboles d’appartenance et de filiation. Ici,
Nathalie Boutté introduit des plumes d’oiseaux dans la composition,
établissant un lien vivant entre nature et rituel. Sur le continent africain,
la figure de Hangbé Tassin, reine du Dahomey, se dresse comme une
présence souveraine. Longtemps effacée de l’Histoire, elle retrouve ici
un visage. Dans les bandelettes de papier se cache le pamphlet
satirique et hautement féministe de Voltaire, Femmes, soyez soumises
à vos maris (1766) : un contrepoint discret et plein d’ironie, qui rappelle
à la fois le poids de siècles de domination et la force de celles qui s’y
sont opposées.
Avec Gertrude Bell, voyageuse, archéologue et diplomate britannique,
Nathalie Boutté poursuit ce dialogue entre visibilité et oubli. Elle glisse
à nouveau les mots de Voltaire dans la trame du papier. Le voyage
continue aussi dans l’intime, à travers des portraits tirés de ses propres
albums familiaux. Ces visages de proches répondent aux héroïnes
historiques, rappelant que la mémoire collective s’écrit aussi à partir
des récits personnels.
En réunissant ces protagonistes qui ont peuplé son atelier au cours
de la dernière décennie, Nathalie Boutté donne voix à des femmes
dont nous avons souvent oublié le nom. Son œuvre s’élève ainsi comme
un acte de réparation poétique et politique : elle place au premier plan
celles que l’Histoire a reléguées dans ses marges. Entre papier et
mémoire, fragments et visages, Nathalie Boutté célèbre la sororité
universelle dans la matière même de l’image.