Les photographies qu’expose Nanténé Traoré dissolvent, elles aussi, la figuration. Ou encore, elles la délaient, verbe à entendre ici plus qu’à lire en incluant l’idée d’un délai, d’un retard. L’écoute est là, dans l’observation. Elles ne donnent pas d’emblée leur visage à identifier. L’immédiateté n’est pas de mise, mais la lenteur, l’intensité. L’issue du face à face est incertaine, les images te tournent le dos ou ferment les yeux devant toi, tu n’entends pas ce qu’elles disent—à l’instar, selon Nanténé, d’un “Bill Murray qui parle et qu’on ne comprend pas à la fin du film de Sofia Coppola, Lost in Translation“. D’elles émanent une vibration, l’idée d’un déplacement, d’un glissement, d’un mouvement. Elles possèdent une fluidité presque solide, gélatineuse. Elles baignent parfois dans une lumière rouge de chambre noire (sic !) (05 R ; 12 ; 13…) ; ou sont dotées d’un éclairage un peu toxique, comme ce vert d’enseigne pharmaceutique (06), ce reflet orange sur les vagues (08). Les images s’embuent (10) ou se distillent. Ainsi ce profil en pastilles baveuses rose-bonbon juxtaposées à une vaste tache d’un noir de jais, comme une crinière (01). Tu te rends à leur élan qui suscite un fourmillement d’émotion.