MONIQUE GIES
La place du pire
Pour la première fois les peintures et les portraits de Monique Gies sont
présentés dans l’exposition Les mots tus à la Galerie Christophe Gaillard de
Paris du 5 octobre au 2 novembre 2024. L’initiative de cet évènement revient
à la découverte par sa fille d’une centaine d’oeuvres de l’artiste après sa mort.
M.G. rompt brutalement en 1977, à quarante-trois ans, avec une vie de
famille confortable pour s’enfermer dans une chambre de bonne à Paris.
Cette réclusion choisie pour peindre la prévient d’un établissement
psychiatrique. M.G. pressent le pire à venir. M.G. remet violemment en
question non tant sa vie familiale qu’elle interroge un drame de nature
traumatique étouffé pendant trop longtemps. Un viol subi quand elle était
petite par un oncle surnommé tel un présage NonNon. L’oncle avenant se
confirme indissoluble.
Les peintures à l’acrylique ou à l’aquarelle, de petits formats (27 cm x 37
cm), ne sont pas de sages images. Ses autoportraits cherchent un bord,
voire un cadre. Ils se dédoublent, traversés et traversants. Des saynètes
montrent des objets — ici un cheval à bascule coloré et une chemise
blanchâtre — imprimés sur sa rétine, et depuis dans sa mémoire, qui lui
servaient sûrement d’amarre visuelle pendant l’agression.
Seule, dans son cadre boueux et froid, implacablement seule, l’héroïne
comme posthume, créature d’outre-tombe, rend compte d’une chose
inerte sur le papier, sans vie : un objet corps. Du vécu traumatique et de
sa trace mnésique, chaque peinture, comme intervalle d’effroi, compose
une phrase exposée, comme un « jadir du jadis »1. Malgré tout ce qui les
sépare, chacune est hantée, littéralement, par l’effondrement.