Mehdi Ghadyanloo
A l’heure de la suprématie des écrans et des multiples dispositifs numériques de vision augmentée – dont le champ de l’art contemporain et des biennales dans son ensemble fait bon commerce – le travail pictural de Mehdi Ghadyanloo a bien des raisons de nous intriguer, voire de mettre en crise certains de nos cadres de pensée ; et autres discours autorisés sur la peinture contemporaine. En effet l’expression « transfuge de classe » semble toute trouvée pour celui qui, loin des galeries occidentales et des art newspapers, vient d’un milieu d’agriculteurs du nord de l’Iran ; et a dépassé une première fois les limites sociales assignées en allant se former à l’université des Beaux-arts de Téhéran (Iran) – où il recevra un enseignement particulièrement scientifique et rationaliste, principalement figuratif(1).
Or, pour un artiste qui s’apprécie désormais principalement en galeries, Mehdi Ghadyanloo a développé son art dans le champ principal du muralisme et de la peinture urbaine, à grande échelle, notamment dans la ville de Téhéran ; où il devient le fer de lance d’un proto-mouvement de fresques dans l’espace public, autorisées et commandées par le service des Beaux-arts de la ville de Téhéran. En effet, entre 2004 et 2014, pendant une dizaine d’années – entre la fin du mandat du Président Khatami et l’avènement du président Ahmadinejad –, Mehdi Ghadyanloo réalisera plus d’une centaine de fresques, mesurant plusieurs dizaines de mètres de haut, disséminées dans divers quartiers de la capitale iranienne. Ce mouvement de quelques peintres d’ascendance « réaliste », voire selon certains « hyperréaliste » ou « surréaliste », eu notamment pour motivation principale de réformer les fresques de la génération précédente ; les fresques de martyres résonnant avec l’idéologie mortifère de la République islamique d’Iran durant la guerre Iran-Irak (1980-1988) qui occupent la majorité de l’espace muraliste depuis les années 1990 – principalement composées de portraits d’enfants et d’adultes morts pour l’Iran dans des poses et des attitudes doloristes et métaphysiques, dans des couleurs sombres et dépressives. Mehdi Ghadyanloo et ses pairs, profitant d’une brèche permise par les derniers relents réformistes du mandat Khatami, vont s’employer à partir de 2003-2004 à imposer un autre style de fresques ; moins dramatique (les fresques religieuses de la guerre Iran-Irak reposent très souvent sur une dramatisation exagérée que d’aucuns qualifieront de kitsch), sans représentation directe de martyres, plus coloré et surtout plus suggestif ; en somme, moins idéologique, davantage ouvert à l’interprétation et à la divagation visuelles. On pourrait parler d’une lente transition voire réforme (dans laquelle il faudrait également convoquer le contexte de l’après-11-septembre-2001) entre le réalisme islamique ou martyrologique propre au régime iranien et le « réalisme magique » propre à Mehdi Ghadyanloo.
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