David Geselson aime raconter des histoires… La sienne, avec En-route Kaddish présenté en 2015 au Théâtre de la Bastille, celle d’autres qui lui ressemblent un peu, comme dans Doreen, et cette fois celle de Nina Simone, de l’autre côté de l’océan. Comment représenter cette femme noire américaine, à la vie tragique et grandiose, héritière de quatre siècles d’histoire coloniale ? Comment écrire ce qui nous est commun, d’elle à chacun d’entre nous ?
Pour répondre à ces questions, David Geselson a traversé l’Atlantique et composé une équipe afro-américaine et française. Avec ses cinq interprètes il a partagé sa recherche, mêlée de biographies et de documents historiques sur la vie de Nina Simone. Il a aussi confronté leurs points de vue sur l’Histoire et la lutte des droits civiques en Amérique. En commun, ils font apparaître les fantômes des blessures et les silences transmis depuis la conquête meurtrière du « Nouveau Continent » à travers la figure de la chanteuse icônique. Descendante d’une Amérindienne et d’un esclave africain, Nina Simone incarne avec puissance la question de l’héritage, chère à David Geselson. « Une cicatrice qui ne guérit pas » dira la femme blessée.
Sur scène, l’altérité se dit en anglais, en français ou encore en ngambay. Et ce principe de fluidité, propre à l’écriture du metteur en scène, permet de s’affranchir de la chronologie tandis que s’entrecroisent ou fusionnent librement fiction et documentaire. Pour la comédienne Dee Beasnael, il s’agit moins d’incarner Nina Simone que de nous raconter son histoire. Des pans de vie qui glissent, comme ce décor mouvant, d’un bar à une loge, d’un intérieur modeste à un joli salon. Nous rencontrons le père, le mari, la professeure de piano… et Eunice Waymon de son vrai nom apparaît. Et lorsque son interprète nous fait sentir sa colère et soudain parle en son nom propre, Nina Simone disparaît pour laisser place aux émotions de chacun.
Être loin, être proche… Le Silence et la peur nous offre la possibilité du déplacement. Pour réfléchir notre Histoire tout en sentant la peur d’être détruits.
Elsa Kedadouche
Before souhaité