Critique : Comment parler de la paternité avortée sans en faire des tonnes ? C’est tout l’enjeu du nouveau film des frères Larrieu qui déroulent avec beaucoup de prudence la construction d’une relation paternelle avec un enfant que le temps et les épreuves de la vie vont mettre en échec. Le roman de Jim est donc un film sur le malentendu, c’est-à-dire sur une paternité qui n’est pas naturelle, mais aurait pu remplacer tous les pères biologiques, tant la relation qui se crée entre Aymeric et Jim est belle. Mais justement, parce qu’aucune histoire de vie n’est linéaire, le père biologique refait surface et à pas feutrés se met à revendiquer son droit d’exercer la parentalité.
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Le roman de Jim se déroule sans brutalité, ni excès. Les choses de la vie se font et se défont dans un rythme apaisant, semblable d’ailleurs à ce village où le protagoniste habite. Aymeric est un homme loyal, qui ne dénonce pas ses petits camarades lors d’une arrestation, cumule les petits boulots, et aime avec la bonhomie et le cœur d’un homme sage. Cette douceur et simplicité de vie ne sont jamais mièvres. Arnaud et Jean-Marie Larrieu ont trop d’affect pour l’humain en règle général pour ne jamais se moquer, ni caricaturer et en rajouter dans les émotions de ses personnages. On sent que les comédiens, tous exceptionnels à commencer par Karim Laklou, ont été dirigés avec ce devoir de la sincérité et des sentiments contenus. Chacun fait comme il peut, avec ses défauts et ses qualités, pour apporter des solutions à ce qui pourrait nuire à l’équilibre fragile des relations humaines.
Le personnage principal joué par Karim Laklou est d’une magnifique densité. C’est un homme qui accepte de renoncer sans se soumettrcompose avec les déséquilibres de la vie du moment où l’autre trouve une forme d’apaisement et de bonheur. Il y a beaucoup d’amour chez lui. Rarement, on aura mis en scène une paternité d’adoption avec autant de dignité et de pudeur. Les gestes d’amour comme la perte de l’enfant aimé sont filmés avec une grande tendresse. Aymeric n’est jamais ridicule. Il l’est d’autant moins qu’il s’entoure généralement de belles personnes, comme lui, et qu’il tente de préserver dans leur humanité profonde. Ce qui est merveilleux chez lui, c’est qu’il ne condamne jamais frontalement les autres, même lorsqu’ils ont mal agi.
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Les frères Larrieu composent un film très habité. On sent dans les personnages le souffle des montagnes, la douceur des prés et la solidité des maisons de là-bas. Une séquence très impressionnante montre le héros escalader une montagne puis se retrouver sur une passerelle qui donne sur le vide. La force est là, à la fois dans les profondeurs vertigineuses se trouvant sous ses pieds, et à dans la capacité à se raccrocher aux prises laissées sur le rocher. En réalité, tous les personnages sont mus par la puissance de la résilience. Chacun compose avec ses fragilités, mais le goût de la terre, des choses simples, les projette toujours vers un lendemain plus radieux.
Le roman de Jim est un petit trésor de douceur et d’humanité. C’est un film dont on ressort grandi, apaisé, avec un regard plus compréhensif sur des malentendus ou des choix arbitraires qui peuvent parfois conduire au pire. Le long-métrage défend avec force des valeurs de tolérance, d’empathie, plaçant l’intérêt de l’enfant au-dessus de tout. En ce sens, voilà une œuvre bienfaisante et bienveillante qui devrait apporter beaucoup de bonheur à ses spectateurs.