Exclusivement constituée d’œuvres de la Collection Pinault, dont elle souligne l’étendue, la vitalité et la diversité, l’exposition « Le monde comme il va » se déploie dans tous les espaces de la Bourse de Commerce, à partir du 20 mars 2024. Réunissant une vaste sélection de pièces principalement réalisées entre les années 1980 et aujourd’hui, dont la moitié est exposée pour la première fois par Pinault Collection, elle met en lumière la passion et l’engagement de François Pinault pour un art contemporain en prise directe avec notre époque.
Empruntant son titre à un conte philosophique de Voltaire, cette nouvelle exposition de la Collection Pinault révèle « la conscience aiguë du présent » chez les artistes, selon son commissaire Jean-Marie Gallais. Des figures établies (Maurizio Cattelan, Damien Hirst, Jeff Koons, Cindy Sherman, Sturtevant, Rosemarie Trockel…) à une génération d’artistes plus jeune (Anne Imhof, Mohammed Sami, Pol Taburet, Salman Toor…), les choix de François Pinault, collectionneur, ont toujours reflété cette passion pour un art en phase avec son temps, qu’il soit engagé ou simplement observateur, provocateur ou plus sombre. Face aux excès et aux paradoxes du monde, mais aussi confrontés aux troubles de l’époque et à un sentiment de perte des repères, les artistes se font prophètes, visionnaires, philosophes, parfois cyniques et ironiques, souvent poètes et ré-enchanteurs.
Tout comme le personnage principal du conte — un observateur envoyé pour tenter de comprendre l’humanité —, le visiteur est confronté à une vision ambivalente, oscillant entre faiblesses et vigueurs d’un monde qui semble se laisser aller vers sa perte, mais qui conserve espoirs et grâces. Les artistes présentés dans « Le monde comme il va » produisent de puissantes images, tantôt ironiques, tantôt violentes, de cette situation paradoxale, et deux générations d’oeuvres dialoguent à parts égales dans le parcours : celles réalisées dans le contexte des décennies 1980-1990, et celles réalisées à partir des années 2000.
En lien avec l’exposition, la carte blanche donnée à Kimsooja dans la Rotonde du musée, intervention à la fois monumentale et sensible, renverse toute l’architecture de la Bourse de Commerce et, avec elle, l’ordre du monde à travers un immense miroir circulaire, posé au sol. L’invisibilité du matériau, qui ne fait que refléter le réel environnant, invite chacun à prendre conscience qu’il est acteur de ce récit qui se poursuit jusque dans les vitrines et le niveau inférieur du musée.
« Le monde comme il va » compose un flux d’images saisies dans les mouvements du monde passé et présent, qui résonne avec l’esprit de la Collection Pinault depuis plus de cinquante ans.
« C’est la complexité des oeuvres, leur capacité à refléter le réel ou au contraire à le mettre en abyme, à résonner en harmonie ou avec ironie avec le passé ou le présent, le flux des images davantage que leur unicité, qui irriguent la Collection Pinault depuis cinquante ans. Si l’historien Krzysztof Pomian dans son magistral récit Le musée, une histoire mondiale (2020), souligne combien les musées orientent le regard de la société vers l’avenir, l’accrochage orchestré par Jean-Marie Gallais sonde la Collection pour proposer une vision à la fois kaléidoscopique et instable du présent. » Emma Lavigne