Critique : La mort désormais appelée fin de vie dans une époque qui édulcore les mots pour éviter de se heurter de plein fouet à la réalité fait partie de la vie mais reste un sujet tabou, personne ne voulant croire à sa propre disparition. Autrefois, la vieillesse, le handicap ou l’incurabilité menaient naturellement à cette issue fatale. Mais aujourd’hui, le perfectionnement des techniques médicales laisse planer l’illusion de pouvoir nier l’inévitable trépas au point de maintenir dans un état végétatif ceux que plus rien ne relie à la vie et suscite de plus en plus d’interrogations sur le bien-fondé de telles pratiques. À l’heure où le droit de mourir dans la dignité est devenu un enjeu politique majeur, Costa-Gavras, aujourd’hui âgé de 91 ans, bien connu pour ses prises de position idéologiques et persuadé que tous les films sont politiques, incite les pouvoirs publics à légiférer sur la fin de vie, sujet de sa dernière œuvre, inspirée de l’ouvrage éponyme de l’écrivain Régis Debray et du médecin Claude Grange.
- Copyright Bac Films
Alors qu’un médecin africain s’insurge contre le sort que l’Occident réserve à ses anciens, les parquant dans des mouroirs dans la solitude et l’indifférence la plus totale, le docteur Augustin Masset (Kad Merad) démontre que dans son unité de soins palliatifs, la décence est de mise autour de ses malades condamnés qu’il entoure d’écoute, de réconfort, de compréhension et surtout de respect. Il y croise Fabrice Toussaint (Denis Podalydès), un écrivain qui, après un examen médical, est soudainement confronté au spectre de sa propre disparition. Entre données scientifiques et discussions didactiques se dessine une représentation collective et individuelle de ce que pourrait être la mort « idéale » pour soi et ses proches, propre à atténuer la peur de chacun d’entre nous. Des consultations filmées directement à l’hôpital amènent le film aux frontières du documentaire que l’aspect fictionnel adoucit de bienveillance et de poésie, éliminant tout risque de misérabilisme. Et si la démonstration se fait quelque peu répétitive, l’ennui n’aura pas le temps de s’installer, bien vite chassé par la qualité exceptionnelle de l’interprétation.
- Copyright Bac Films
Denis Podalydès se glisse au millimètre près dans le costume de cet écrivain angoissé dont la modestie n’a d’égale que le désir d’aider et de s’informer. Kad Merad, qui prouve une fois encore sa capacité à passer du comique au tragique, n’a aucun mal à nous convaincre de la grandeur d’âme de ce professeur de médecine tout empreint de douceur pour accompagner jusqu’à leur dernier souffle les mourants dont il a la charge. Quant aux seconds rôles, essentiellement féminins, ils n’ont rien de subalterne. Chacune des actrices (de Marylin Canto à Karin Viard en passant par Charlotte Rampling, Hiam Abbas, Françoise Lebrun et quelques autres) distille tour à tour dignité, détermination, apaisement et espoir. Leurs interventions successives lient les scènes entre elles pour former la cohérence d’un récit plus drôle que funeste.
Avec la justesse qui le caractérise, celui qui se définit comme un artiste engagé et non pas comme un cinéaste militant signe un film sensible qui s’adresse à tout le monde et démontre que jusqu’aux portes de la mort, la vie mérite d’être sublimée.