Avec « La résilience des tigres », Agathe Brahami Ferron anime une sorte de croisière exubérante où les corps, les objets et les activités créent des écheveaux de formes qui se déploient étrangement dans l’espace. Le vé- risme démonstratif en matière de physionomie, la jouissance d’en « faire trop », stylisent de manière cartoonesque les membres d’une vaste co- médie humaine où la poursuite du bonheur justifie les attitudes les plus simiesques. Face aux injonctions formulées par un capitalisme effréné, la narration se décline en deux versants. Le drame menace la fête : mau- vais est le goût qui ne se satisfait de rien. Manger-danser-acheter re- lève dans cette profusion d’un seul et même état hypnagogique : sur la barre de pole-dance, le présentoir-gondole ou la table de buffet, l’action est séparée de sa conscience. Dans les objets touristiques parsemant le lieu, la décoration a remplacé l’original : tikis, coquillages, cartes pos- tales sont aussi stéréotypés que les vacanciers. Les sens se mêlent, des membres humains sortent des plats, comme les saillies monstrueuses - on parle de « reliefs » pour désigner les restes d’un repas - d’un banquet autophagique où les convives finissent par se consommer eux-mêmes.