L'image du souvenir
Le collectif VOID, duo bruxellois formé par Arnaud Eeckhout et Mauro Vitturini, poursuit dans cette nouvelle exposition son exploration des zones d’incertitude du visible. Depuis leurs débuts, leur œuvre se déploie dans un dialogue continu entre le regard et l’écoute, entre ce qui s’imprime et ce qui résonne. Pendant longtemps, leur pratique s’est attachée à rendre visible le son et audible l’image, à travers une écriture physique de la vibration. L’apparition de l’image figurative, amorcée avec la série Memories (2024), marque un tournant dans cette recherche : c’est la première fois que VOID confronte directement la question de l’image supportable, de ce que l’on choisit ou non de regarder.
Chez VOID, voir n’est jamais un acte immédiat. C’est un mouvement de retrait, une manière d’écouter. Les images ne s’effacent pas : elles se filtrent, comme un son traversé par la réverbération ou la distorsion. Ce trouble visuel agit comme une forme d’accordage perceptif : il tempère la brutalité du réel, adoucit la mémoire sans la dissoudre. Là où d’autres chercheraient à révéler, VOID invente une poétique du voilement.
Les photographies en noir et blanc des Memories s’altèrent selon un protocole d’effacement progressif, presque respiré. Certaines proviennent d’un fonds intime, d’autres de l’iconothèque collective, ces images de presse qui hantent la mémoire commune. Leur filtrage ne relève ni de la censure ni du secret : il permet au regard de demeurer sans raviver la blessure, de se tenir à distance pour mieux comprendre.
Cette idée de distance active, de regard ralenti, rejoint la tension picturale d’un Gerhard Richter, pour qui le flou n’est pas une perte mais une condition de vérité. VOID partage ce même désir d’un regard qui n’impose pas mais propose. L’image devient espace respirable, non plus surface coupante mais matière douce, poreuse, ouverte à la vibration du son.
La série Souvenir (Botanique, Bruxelles, 2022) en posait déjà les fondations. Réalisées à partir de noir de fumée gravé par les sillons sonores de voix anonymes, ces pièces ne contiennent aucune photographie. Le son y dépose littéralement sa trace, fragile et volatile. Ce qui brûle laisse empreinte ; ce qui s’efface demeure.
Les retables prolongent cette tension entre beauté et désastre. L’un montre un iceberg peint à l’huile, dont les panneaux extérieurs en cuivre portent la phrase : "Pleurer de sang froid". Un autre figure une gerbe de fumée, apparition gravée par martèlement dans le métal. D’autres retables gravés — "Être combustible", "Ralentir la fin", "Brûler dans la lumière", "Entendre le foyer", "Au bord du monde" — déclinent cette méditation sur la catastrophe comme métaphore du temps. Ces formes d’autels profanes deviennent des lieux de recueillement critique, où la lumière accroche la trace du geste et du souffle.
Les petites peintures, dérivées d’images de presse, s’attardent sur les bordures de l’événement. En cadrant ce qui se tient à la marge du sujet, elles produisent une familiarité étrangère, un déjà vu collectif. C’est dans ce déplacement presque imperceptible que naît la charge poétique du travail de VOID.
Enfin, la série Nos soupirs inscrit la peinture au revers du cuivre : les plaques extérieures sont gravées par des silences musicaux, soupirs, demi-soupirs, quarts de soupir comme si la mémoire elle-même respirait.
Henri van Melle
Octobre 2025
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