Julien Berthier
Passion potelet
Depuis que j’ai parlé avec Julien Berthier je ne peux
m’empêcher de regarder les potelets qui sont disséminés
dans toutes les villes. Jusqu’ici je ne m’étais pas trop
intéressé à ces éléments verticaux assez insipides à mon
goût. Comme tout le monde, je les avais contournés.
J’avais pesté un peucontre eux conscient queme garer sur
les trottoirs ne devait en aucun cas être une option, sauf
que… Jeme souviensque j’avaissouvent tentéd’y attacher
mon vélo, plus jeune. Je sais qu’avec mon fils on
a longtemps joué à s’imaginer les enjamber sans avoir
peur. Mais jamais, je l’avoue, je ne les avais regardés.
Donc, depuis quelques jours, je n’arrive plus à ne pas
les voir. Ils semblent tous identiques, mais connaissent de
nombreuses variantes. D’ailleurs, aucune de leur forme
n’est simple. Chaque modèle de potelet doit avoir été
dessiné avec attention. (…)
Les élégantes silhouettes des potelets d’acier, pour
lesquelles Julien Berthier éprouve une passion troublante,
sont comme des éléments de ponctuation dans les espaces
urbains. Un potelet est rarement seul. Il fait souvent partie
d’une suite ou d’une série. Ensemble,ils tracent des lignes,
le long des trottoirs, en bordure de parc, autour
des installations sportives. Ils temporisent les possibles et
accentuent les niveaux.
Si laville devaitêtre unéchiquier, ilsseraient sespions que
nous ne faisons que regretter, nous les piètres joueurs
d’échecs, quand la partie avance. Ils n’ont rien pour eux,
si ce n’est leur cohésion de groupe. Leur espace est celui
qui le lie avec les autres ou qui le lie à un élément
architectural, un mur, une barrière, une palissade voire un
arbre. En soi, un potelet semble être tellement peu de
choses qu’il n’est jamais vraiment discuté. Dans l’espace
commun qu’estl’espace public,rares sontles inclusionsqui
ne soient pas sujet de discussion. Même si je ne suis pas
très attentif aux débats municipaux, il ne me semble pas
avoir eu vent de passionnants échanges pour ou contre
l’installation de potelets. Le potelet est un objet quasi-furtif,
solution de tous les échecs urbanistiques.