Théâtre des Corps - Drame de la Matière est le volet final d’une
trilogie d’expositions de nouvelles œuvres de l’artiste camerounais
Jean David Nkot présentées entre Douala et Paris. Proposant
de nouvelles formes, et s’essayant à des techniques différentes de
l’approche qu’on lui connaît habituellement – dont la sculpture et
la céramique – Nkot demeure néanmoins proche d’un thème qui lui
est cher : soulever les consciences sur les pratiques d’extractions
et l’exploitation de la main d’œuvre.
C’est tout d’abord par l’humain que l’artiste aborde ce sujet,
avec une peinture représentant un travailleur coupant, à la machette,
une cabosse de cacaoyer (BP.the-story-of-a-treasure@fr.com, 2025).
Le réalisme de cette peinture s’apprécie au regard du travail
minutieux des détails, du traitement des formes, des volumes,
et des ombres, allant des plis des vêtements et stries des
cabosses, jusqu’à la mousse se trouvant sur les branches du
cacaoyer. Les vives couleurs nous plongent dans une forme
d’immédiateté et dans la contemporanéité du travail agricole au
Cameroun aujourd’hui et, par extension, dans d’autres pays d’Afrique
et du Sud global.
En fond de cette peinture, comme en filigrane, se révèle une série
d’images noir et blanc multipliées comme dans une approche
warholienne. Renvoyant à la photographie d’archive, celles-ci
semblent relier le passé colonial dans lequel sont nées les plantations
industrielles et le présent dans lequel se poursuivent les formes
d’extractions résultant du capitalisme et de la globalisation.
Un traitement similaire se retrouve dans les autres peintures,
notamment dans les scènes de figures féminines vêtues de
pagnes à dominante bleue et aux motifs géométriques détaillés.
Rassemblées sur un amas de fèves de cacao colorées, tels les
fameux M&M’s, les scènes dont elles sont protagonistes traduisent
des moments de complicité et de sororité autour des délices d’une
tasse de café ou de chocolat. Toutefois, l’artiste laisse poindre une
tâche d’ombre. Ainsi dans Po.box.pain-and-false-laughter.org (2024)
l’on perçoit que la personne se détachant du groupe, afin de déguste
r sa boisson, affiche une expression bien plus sobre et réservée.
Expression que l’on retrouve chez le personnage central de
www.//corps-en-corps.cm (2024), dont le regard nous interpelle
et nous invite à faire état des corps qui l’entourent ; corps
entremêlés, aux bustes dévoilant leur lingerie. Voluptueux et
sensuels au premier abord, un regard prolongé révèle la tristesse
et l’épuisement qui les habitent.
Pour Nkot, la femme est aussi symbole de la terre africaine dont
on exploite la fertilité. De même qu’il pourrait tout autant s’agir
de travailleuses généralement invisibilisées. L’artiste les dépeint
dans une théâtralité convoquant tant une tradition picturale
naturaliste classique – rappelant Le Radeau de la Méduse
(1818-19) de Théodore Géricault –, qu’une esthétique
contemporaine ancrée dans la réalité du continent africain.