Une petite lune couleur crème, à demi voilée par un ruban de nuage, flotte à faible hauteur au-dessus d’une étendue d’eau. Rothko-esque dans sa composition, la toile est divisée en trois bandes de bleu. Abstraite en soi, c’est seulement la présence de la lune – un point net au milieu de touches larges – qui tire l’image vers son interprétation finale, figurative.
De manière similaire, c’est un autre petit détail – la courbe reconnaissable entre toutes de l’acier tubulaire – qui ancre le tableau Pool (2024) dans l’univers figuratif, fournissant un contexte et un sens aux blocs de couleur qui l’entourent.
Brouiller la frontière entre l’abstraction et la figuration est devenu un thème central dans l’oeuvre de Gideon Rubin, qui examine, à travers chaque peinture et chaque série, de quelle façon convergent ces styles en apparence opposés.
Jeune peintre, Rubin produisait des portraits – lents, laborieux et solidement figuratifs –, mais avec le temps il est devenu à la fois plus habile et plus libre ; capable de transmettre l’état d’esprit d’une personne sans détailler les traits de son visage, capturant le sens du mouvement plutôt que la précision des plis d’un vêtement.
Dès lors, ses peintures reflètent quelque chose du fonctionnement de la mémoire humaine – tout en angles adoucis et détails perdus, le ressenti plutôt que le fait. Nous nous souvenons des choses de la façon dont nous souhaitons qu’elles soient remémorées – qu’il s’agisse d’une personne, d’une expérience, d’un film ou d’un endroit – et c’est ce tour de passe-passe de l’esprit que Rubin explore dans son oeuvre. Au travers d’un processus de simplification et de montage, le peintre fractionne chaque image en ses composants – des blocs de couleurs et de tons qui peuvent être réassemblés en une image claire et familière, ou quelque chose d’un peu plus ambigu.