Conte de Marc Soléranski dédié à Ghyslain Bertholon
Au cœur du quartier du Marais, la rue Pastourelle conserve quelques maisons du XVIIIe siècle, du temps des Lumières où l’on rêvait aux « bons sauvages » en lisant Jean-Jacques Rousseau. Même si la Révolution a confisqué ces salons aristocratiques pour en faire des ateliers ou des logements plus modestes, il arrive que des rocailles découpées dans une porte cochère, une rampe de fer forgé déployant ses arabesques végétales, ou que des bouquets de fleurs sculptés dans une boiserie Louis XV, rappellent le passé de cette rue au doux nom de pastorale.
Le public du XXIe siècle peut-il porter sur le monde le même regard que les contemporains de L’Encyclopédie de Diderot ou L’Histoire Naturelle de Buffon ? Aujourd’hui, l’image de l’humain maître et possesseur de la nature est mise à mal par les conséquences de la surconsommation sur l’environnement. Mais, comment l’art peut-il célébrer l’élément naturel sans accorder une place à l’humain? Supposons une galerie d’art contemporain qui n’accueillerait que des arbres ou des animaux sauvages, aurait-elle plus de légitimité en plein centre de Paris qu’un ouvrage d’ébénisterie dans une jungle tropicale ?
A la frontière entre la nature et l’artifice, Sylv-1 une créature créée par Ghyslain Bertholon, veille sur l’entrée du N°11 rue Pastourelle. Elle est composite comme les chimères qui défendaient les portiques des temples païens, et suspendue au-dessus du vide à la manière d’une gargouille de cathédrale. Son corps est mi-humain mi-batracien, sa tête un boitier pivotant à détection de mouvement dardant deux lumières rouges tenant lieu de regard. Sylv-1 ne laisse entrer que les végétaux, les pierres, les cerfs, les reptiles, les insectes... tout ce qui n’a pas été façonné par la main de l’homme. Tel le Sphinx aux portes de Thèbes, elle interdit l’accès aux êtres humains à moins de résoudre une de ses redoutables énigmes.