« Pas d’idées sinon dans les choses (1) », déclarait le poète américain William Carlos Williams (1883-1963). Qu’importe la manière dont on définit les idées ; qu’importe la façon dont elles se déclinent : formes, figures, volumes, langues, mots, motifs, points, lignes, plans, notes, couleurs, lumières... Tout l’œuvre des artistes Gert & Uwe Tobias procède de ce registre : pas une idée, pas un ouvrage, pas un espace qui ne s’incarnent en choses juxtaposées, assemblées, superposées et/ou fusionnées, quand bien même celles-ci finissent par s’incarner, au final, en paysages, personnages, animaux, objets, artefacts ou éléments divers plus ou moins identifiables... Aussi n’appartiennent-elles ni vraiment à notre réalité tangible ni vraiment à un univers établi tout en apparaissant parfaitement naturelles, plausibles, voire universelles : elles sont de l’ordre du mythe, du conte, de la parabole, du récit oral, transmis, partagé, que l’œuvre rend perceptible à travers leurs multiples métamorphoses. Et plus elles devraient nous apparaître dès lors comme déconcertantes et déroutantes, plus nous sommes à l’inverse charmés et séduits, captivés et quasi emportés le long de ces chemins de traverse que ces choses nous proposent. Au cœur du travail de Gert & Uwe Tobias, rien n’est question comme rien n’est réponse : tout est maintenu dans un espace d’irrésolution savamment entretenu d’où émergent çà et là les formules étincelantes d’un continent poétique ancré au plus profond de ces fonds narratifs qui ont fécondé et nourri les pensées, les récits et les représentations les plus ancestraux. Nous sommes ici nulle part, tout en étant paradoxalement partout. Nous sommes ici et là, où les choses peuvent exister, s’épanouir et s’illuminer.