Il s'agit d'une conférence "Sciences, Art et Culture" de l'Institut du Cerveau. Ces conférences ont lieu habituellement le 3ème jeudi de chaque mois (interruption pendant les vacances d'été).
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Ce type de manifestation comprend successivement :
Le 15 mai, il s'agira d'une conférence intitulée :
Géopolitique des fleuves : dernières nouvelles
par l'écrivain Erik Orsenna
Mais qu'est-ce que la géopolitique des fleuves et, plus généralement, la géopolitique de l'eau ?
Voici un éclairage par Yves Lacoste, géographe et géopolitologue français :
"L’expression « géopolitique de l’eau » désigne, en première approche, des rivalités politiques dans la répartition du débit de fleuves et de rivières ou l’exploitation de ressources hydrauliques. De telles rivalités existent non seulement entre des États dont les territoires sont traversés par un même fleuve, mais aussi au sein d’un même État entre des régions ou de grandes villes, qui visent chacune à tirer parti des ressources de bassins hydrographiques plus ou moins proches. C’est ainsi par exemple qu’en Espagne les rivalités se développent pour l’utilisation des eaux de l’Èbre, non seulement entre l’autonomie d’Aragon et celle de Catalogne, l’une et l’autre traversées par ce fleuve, mais aussi avec d’autres régions autonomes qu’un « plan hydrologique national » ferait profiter des eaux du plus puissant cours d’eau espagnol. La polémique géopolitique devient même internationale puisque le projet de conduire à travers le Languedoc (et dans une grande mesure par une canalisation déjà existante) des eaux du bas Rhône vers Barcelone, qui en a bien besoin, suscite les protestations des cultivateurs roussillonnais, qui s’opposent à ce que l’on vende de l’eau à leurs concurrents catalans. Des écologistes catalans s’opposent eux aussi à un projet qu’ils estiment « contre nature ».
Depuis quelques décennies, ces rivalités hydrauliques ont pris une ampleur considérable, en raison des énormes moyens mécaniques dont disposent désormais les entreprises de génie civil: c’est ainsi qu’ont été réalisés de grands travaux hydrauliques, qu’il s’agisse de barrages, de canalisations ou de canaux, qui semblaient impossibles au milieu du XXème siècle. De ce fait, il est désormais possible de détourner sur des centaines de kilomètres la plus grande partie du débit d’un fleuve ou de retenir l’équivalent de son volume annuel derrière un petit nombre de grands barrages. Ainsi l’hydraulique peut-elle modifier sensiblement le cours de fleuves et leur débit, c’est-à-dire les données de l’hydrographie et de l’hydrologie (rappelons qu’hydraulique vient d’aulos qui signifie en grec « la flûte, le tuyau », et que canal vient du latin cana, « le roseau, la canalisation »).
En invoquant l’augmentation des besoins en eau qu’entraînent le développement économique et la croissance démographique, notamment celle des grandes villes, les médias propagent l’idée que l’humanité serait bientôt confrontée à l’insuffisance des ressources hydrologiques. Cela justifierait l’accroissement des prix de l’eau, d’autant qu’il faut désormais prendre en charge, dans les villes, les dépenses d’épuration. L’inquiétude suscitée est d’autant plus grande qu’une des conséquences les plus graves de l’« effet de serre », dont les écologistes parlent tant, serait dans quelques décennies la diminution des pluies dans des zones qui sont aujourd’hui relativement bien arrosées, une partie de la zone tempérée, Europe occidentale et contrées méditerranéennes notamment.
Cependant, alors que le désormais fameux « principe de précaution » devrait inciter à envisager nombre de grands travaux hydrauliques pour faire face à cette menace de pénurie, au contraire, de puissants partis écologistes et ONG, si soucieux par ailleurs de l’«effet de serre», mènent depuis quelque temps une campagne très active au plan mondial contre les grands barrages. Contre ceux qui existent déjà depuis des décennies, comme celui d’Assouan, on souligne leurs effets négatifs et on minimise en revanche les conséquences positives qu’ils ont pu avoir. Les grands barrages qui sont actuellement en construction, en Chine comme celui des Trois Gorges, mais aussi en Inde comme ceux de la Narmada, font l’objet, surtout dans la presse occidentale, de dénonciations passionnées, où il est tout autant question d’écologie et de respect de la nature que du sort des populations qu’il faudrait déplacer. Ainsi la Banque mondiale a-t-elle été amenée à décider de ne plus financer de barrages, et elle a été suivie par divers organismes occidentaux d’aide aux pays en voie de développement.
Cette campagne mondiale nous conduit à donner à l’expression « géopolitique de l’eau » un sens plus large que l’examen des rivalités politiques dans la répartition du débit de fleuves et de rivières. De véritables rapports de forces médiatiques s’établissent entre des organismes d’État chargés de la réalisation d’ouvrages hydrauliques et de très influentes organisations non gouvernementales, qu’inspire une véritable idéologie de l’écologie politique fondée sur le respect prioritaire de la nature. Il existe désormais une véritable « Internationale » écologiste. Le 14 mai 2001, des ONG ont organisé dans plus de trente pays une journée d’action inter- nationale contre les barrages.
On sait que dans l’analyse des problèmes géopolitiques, c’est-à-dire les rivalités de pouvoir sur des territoires, nous accordons une grande importance aux représentations plus ou moins subjectives et contradictoires auxquelles se réfèrent chacun des protagonistes de ces conflits. Aussi nous faut-il envisager sous un sens plus large les questions de géopolitique de l’eau. Nous entendons ainsi non seule- ment l’examen des rivalités politiques dans la répartition des débits fluviaux, mais encore l’analyse critique des représentations que diffusent les médias, dès lors qu’il est question de ressources en eau, de leur mise en valeur ou des concurrences qu’elles suscitent sur des territoires de plus ou moins grandes dimensions.
Le thème d’une prochaine pénurie d’eau au plan mondial est désormais à la mode: alors que les écologistes prônent des mesures de stricte économie dont l’application n’est pas pour demain, les augures d’une prétendue « hydropolitique » annoncent des « guerres de l’eau » pratiquement inéluctables qui seraient le péril majeur du troisième millénaire. Il s’agit d’une représentation très discutable. En effet, dans la plupart des cas, une analyse géopolitique sérieuse montre que l’eau n’est pas cet enjeu primordial qui expliquerait et justifierait à lui seul tous les conflits à venir. En vérité, il ne faut pas dissocier la « géopolitique de l’eau » de l’ensemble des tensions géopolitiques qui existent depuis plus ou moins longtemps sur un territoire. C’est ce que l’on peut démontrer brièvement, à titre d’exemple, dans le cas du Moyen-Orient, où se situent les rivalités hydrauliques les plus célèbres". (...)
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