Continuant à œuvrer pour la Daiei en tant que cinéaste-invité, Yûzô Kawashima choisit de repasser au noir et blanc afin d'harmoniser sur pellicule un livre de Tsutomu Minakami, prix de littérature un an plus tôt. Conjuguant les éléments d’une intrigue policière déductive avec ceux d’un roman de mœurs, Kawashima restitue quelques bribes subjectivées de son passé refoulé pour donner plus d’importance au personnage de Jinen : le jeune moinillon, témoin des nuits de débauche entre son maître et sa courtisane (Ayako Wakao), va devoir cacher ses origines plus que modestes, ainsi que son aversion pour les entraînements militaires qu’on lui impose. Le Temple des oies sauvages est une œuvre provocante et blasphématoire, tournée avec les meilleurs techniciens de la compagnie, comme Hiroshi Murai qui fut également directeur de la photographie pour Yasuzo Masumura ou Kenji Misumi. Brossant le portrait édifiant d’un clergé libidineux et alcoolique, le cinéaste insiste sur les visages disgracieux de ces vieillards en tunique, goûtant au plaisir de la chair aussitôt les derniers sacrements prononcés. La caméra est régulièrement placée au ras du sol ou dans des endroits incongrus, les turpitudes dionysiaques du prêtre sont parfois filmées depuis les latrines de son temple. Observer les éclatantes estampes d’une famille d'oies sauvages juste après un plan pris depuis une cuvette fait apercevoir ces rideaux coulissants dans une perspective plus fonctionnelle que véritablement artistique. Mise en relation avec les autres objets du lieu, pourtant sanctuarisé, l’œuvre d’art se verra plus tard reproduite à échelle industrielle sous forme de cartes postales pour touristes américains.

Clément Rauger