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tudiée par l'histoire sociale et culturelle, la fascinante figure du fou, qui faisait
partie de la culture
visuelle des hommes du Moyen Âge, l'a rarement été du point de vue de
l'histoire
de l'art : pourtant
entre le XIIIe et le milieu du XVIe siècle, la notion de folie a inspiré et stimulé
la création
artistique, aussi
bien dans le domaine de la littérature que dans celui des arts visuels.
Cette exposition ambitieuse et stimulante entend aborder la figure
typiquement
médiévale du fou à
travers ses représentations. Elle rassemblera au sein d’un parcours
chronologique et
thématique plus
de 300 œuvres : sculptures, objets d'art (ivoires, coffrets, petits bronzes),
médailles,
enluminures,
dessins, gravures, peintures sur panneau, tapisseries.
Pour le grand public, l'art médiéval est essentiellement religieux. Pourtant,
c'est
le Moyen Âge qui a
donné corps à la figure subversive du fou. Si elle prend ses racines dans
la pensée
religieuse, elle s'est
épanouie dans le monde profane pour devenir à la fin de la période un
élément essentiel
de la vie sociale urbaine.
Pour l'homme médiéval, la définition du fou est donnée par les Écritures,
en particulier
le premier vers
du psaume 52 : « Dixit insipiens... » (L'insensé a dit en son cœur :
« Il n’y a pas de Dieu ! »).
La folie est
avant tout méconnaissance et absence d'amour pour Dieu. Inversement,
il existe aussi des
« fous de Dieu »,
tel saint François. Au XIIIesiècle, la notion est donc inextricablement liée
à l'amour et à
sa mesure ou
démesure, d'abord dans le domaine spirituel, puis dans le domaine terrestre.
Le thème de la folie de l'amour hante les romans de chevalerie (celle d’Yvain,
de Perceval,
de Lancelot ou
de Tristan) et leurs nombreuses représentations, notamment dans les
enluminures et les
ivoires. Bientôt,
le personnage du fou s'immisce entre l'amant et sa dame : il est celui qui
dénonce les valeurs
courtoises et
met l'accent sur le caractère lubrique, voire obscène, de l'amour humain.
De mystique ou de symbolique qu'il était, le fou se « politise » et se «
socialise » : au XIVe
siècle, le fou de cour
devient l’antithèse institutionnalisée de la sagesse royale et sa parole
ironique ou critique
est acceptée. Une
nouvelle iconographie se met en place et on reconnaît le fou à ses attributs :
marotte, habit
rayé ou mi-parti,
capuchon, grelots.
Le XVe siècle est celui de l'expansion formidable de la figure du fou, liée
aux fêtes
carnavalesques et au folklore.
Associé à la critique sociale, le fou sert de véhicule aux idées les plus
subversives. Il joue
également un rôle dans
les tourments de la Réforme : dans ce contexte, le fou c'est l'autre
(catholique ou protestant).
Au tournant du
Moyen Âge et de la Renaissance, sa figure est devenue omniprésente,
ainsi que le montre l’art
de Bosch puis
celui de Bruegel.
A l’époque moderne, la figure du fou institutionnel semble s’effacer
progressivement, remplacé
dans les cours
d’Europe par le bouffon ou le nain. Dès le milieu du siècle des Lumières,
la folie prend sa
revanche pour apparaître
sous d’autres formes, moins contrôlées. L’exposition se conclura par
une évocation du regard
porté par le XIXe siècle
sur le Moyen Âge par le prisme du thème de la folie, mais avec
l’éclairage tragique, voire cruel,
que lui ont conféré les
révolutions politiques et artistiques.