Adaptation du Prix Inter 2018, Fief c’est d’abord un décor, celui de la banlieue « périurbaine », à cheval entre la cité et la campagne.
On suit une bande de mecs qui vivent là comme dans un aquarium. Au milieu, il y a Jonas et ce qui le différencie des autres, c’est qu’il a un talent. C’est un boxeur. Fief c’est une chronique à la première personne de ce qui se passe quand il ne se passe rien. L’exploration d’un passage, d’un moment charnière dans la vie de Jonas où il quitte l’innocence et découvre la mélancolie poisseuse de sa situation.
Jonas habite dans une petite ville, "genre quinze mille habitants, entre la banlieue et la campagne." Ni de la cité, ni des quartiers chics. Ni "petits bourges", ni "cailleras."
Jonas vit seul avec son père, chômeur, fumeur de shit. Le garçon tout juste adulte navigue entre la boxe, les copains, le spliff, et une fille, à qui il prodigue ses bons soins.
Côté boxe, il essaie de satisfaire son entraîneur, mais il n'a pas suffisamment la niaque pour percer.
Côté copains, il a les mêmes depuis toujours : Ixe, Poto, Habib, Romain, Lahuiss, Untel, Miskine, Sucré… Quand ils se voient, ils fument, tout le temps. Ils boivent, parfois. Ils jouent aux cartes, souvent, et ça leur donne l'occasion de s'insulter (gentiment.) Il leur arrive aussi de parler philosophie, ou littérature. Et là, c'est Lahuiss qui prend les choses en mains. Lahuiss, c'est celui de la bande qui est passé de l'autre côté. Il est parti en ville faire des études. Depuis, il est "dans un autre délire." Il est passé en mode col roulé, petite veste cintrée, mèche sur le côté, pantalon serré et souliers en cuir." N'empêche, quand il rentre, "il tchèke et il te dit ouais gros, bien." Lahuiss, c'est aussi celui qui "arrive à faire saisir des choses importantes avec des mots de merde."
Mais la plupart du temps, ils tuent le temps. Ce temps qui ne passe pas. Le shit, l'alcool, pour éviter de penser au lendemain. Un lendemain sans perspective : "Tu fais quoi en ce moment, il demande. Je soupire et je dis bah écoute pas grand-chose, t'as vu, j'suis là, j'attends."
Seigneurs en leur fief, ils campent sur place. Leur fief, c'est un territoire, et c'est surtout un langage. Une langue qui claque, brutale, composite, faite de mots d'argot, de verlan, de mots piochés dans les langues d'origine, de blagues, de mots tendres, et de gestes rituels. Elle contient la colère, la joie, l'ennui, la peur, la pudeur, la poésie et l'humour. La drôlerie, à tous les coins de phrase, le sens aigu de la formule, sont leurs armes pour conjurer le désespoir.
Texte David Lopez (Ed. du Seuil) | Mise en scène Janloup Bernard,
Clarisse Bernez-Cambot Labarta, Etienne Bories |
Avec Etienne Bories | Régie générale et création lumière Clarisse Bernez-Cambot Labarta | Costumes Charlotte Richard | Soutien et cours de boxe Mahyar Monshipour Kermani | Scénographie Clémence Kazémi | Régie plateau Etienne Kimes | Production déléguée Le Méta CDN Coproduction Cie 3B
Sinon Chacun(e) avec sa place (Weclap, Closinvit, BR, Celui que vous voulez, Qu'importe...)