Quel artiste n’a jamais rêvé de placer le spectateur dans l’observatoire idéal pour la perception de son travail ?
Chez Justine Joly, chaque dessin est un élément faisant partie d’un tout, du moins d’une continuité, d’une suite, d’un ensemble qui fait sens, de la même manière qu’un enchaînement de mots forment une phrase. Si chaque dessin est un mot, alors chaque possibilité d’agencement crée un récit différent. Surtout, en conférant aux dessins une capacité proprement textuelle de supports qui se lisent dans la durée, les uns après les autres, l’artiste rejoue l’éternelle obsession de l’histoire de l’art : l’ut pictura poesis.
Lire l’image comme un poème ou voir le poème comme une image, voilà ce qui est réfuté par certains auteurs, à l’instar de Lessing, qui considèrent que le temps du récit et le temps de l’image ne peuvent raisonnablement être d’une même nature : le premier est défini par la succession et la durée quand le second s’appréhende dans l’instant et d’un seul coup d’oeil. Chez Justine Joly, cette dichotomie est congédiée : on voit un récit et on lit des images. Mais la narration qu’elle met en place est une narration lacunaire, dont le sens n’est fourni que par le point d’où elle est vue (lue)…