Trois fois la même montagne Marion Vasseur Raluy À son retour de vacances, une amie m’a racontée son séjour dans les Hautes-Alpes où elle était restée quelques semaines. Après s’être extasiée devant la beauté des paysages, elle m’a ensuite confié les dangers spécifiques de la région. Dans le village dans lequel elle était logée, de nombreuses histoires circulent de marcheurs qui lors d’expéditions dangereuses sont décédés, entrainant parfois dans leur chute les sauveteurs venus les secourir. Tout le long de son récit, j’ai imaginé et fantasmé la rudesse d’une vie à la fois isolée et confrontée à une conscience aigüe de la catastrophe. Quelques semaines plus tard je découvrais les photographies argentiques en noir et blanc de Joan Ayrton qu’elle a prise du barrage de la Grande Dixence dans les Alpes suisses, le plus haut barrage poids du monde construit à ce jour. Depuis 2016, elle a entamé un travail à partir de différents sites autour des notions de frontière, de rétention et de contention. Dans le prolongement de ses recherches en géologie et en sismologie, elle en est venue à s’intéresser à comment ces sites annoncent toujours une catastrophe à venir. Lors de notre rencontre, elle s’interroge à haute voix: « quel degré de pression met-on sur un objet avant qu’il ne cède ? » et d’ajouter « quel degré de pression met-on sur une personne avant que l’étincelle ne prenne feu ? » À la suite de notre rendez-vous, je suis amenée à suivre une formation de la CroixRouge pour les premiers secours, un des modules consiste à nous faire réfléchir à ce qu’est pour nous une catastrophe. Une série d’images nous est proposée : destruction d’immeubles, camion en feu, population déportée. Je repense au travail de Joan et me demande si ce n’est pas dans ce que l’image ne nous offre pas, que se cache la catastrophe à venir. Sur les trois images exposées à la galerie Florence Loewy, le barrage s’efface progressivement pour laisser place à un halo blanc de lumière. L’erreur technique produite par l’appareil devient un prétexte pour sortir du cadre.