Comme à son habitude, Célia Muller travaille aussi bien à partir d’images d’archives que de photographies ratées prises avec son téléphone. Ce mélange lui permet de poser une distance pudique avec un récit intime. Ce dernier adopte une dimension collective qui se heurte autant aux affres du passé qu’aux réalités présentes. « Dans l’atelier, quand je faisais le feu, il y avait par moment beaucoup de cendres froides blanches qui s’envolaient et retombaient doucement dans tout l’espace. Un peu comme de la neige. Pour le froid dans le cœur dans une période de l’année censée être chaude, douce ». Une porcelaine brisée au sol, des lettres devenues illisibles, des morceaux de charbon, des poutres enfumées. Le feu ravage. Avec, la série Leftovers (2025), nous comprenons que l’intime est surpassé par une situation globale : les méga feux qui s’étendent sur tous les continents, les corps humains brûlés à Gaza, les cendres des bâtiments bombardés en Ukraine, les feux de la guerre civile au Congo et tant d’autres flammes sur la Terre. Ces situations brûlantes font évidemment écho à d’autres contextes et d’autres évènements historiques. Par le feu et les cendres, Célia Muller étire son histoire vers une conscience politique d’un commun déséquilibré et inconfortable.
Le feu peut aussi contenir une mémoire plus douce, festive, exutoire et joyeuse : allumer une cigarette, tendre un briquet pendant un concert, faire un feu à la plage ou en forêt entre ami.es, se réchauffer près de la cheminée, se retrouver autour d’un feu pendant une manifestation. « Le feu contient une énergie vitale, un désir de créativité, de partage, de faire, une libération, une échappée, un lâcher-prise grisant » . Dans une perspective qui surpasse la question du temps, les dernières œuvres de Célia Muller contiennent ces souvenirs et ces expériences qui traversent nos corps. Depuis plusieurs années, elle travaille les éléments (l’eau, le feu, l’air, la terre) pour traduire avec le noir de fumée et les pastels secs ce que nous ne parvenons pas à verbaliser, des sentiments profonds, des expériences intenses, des pertes et des métamorphoses intimes. Par là, l’artiste travaille la sidération et la contemplation, la mélancolie et l’euphorie. Alors, du portail initiatique au lieu chaleureux, en passant par la destruction, la purification, l’énergie, la passion, la peur, la beauté, la colère, le deuil, la fascination, le réconfort, l’extase, la violence et la spiritualité, le feu convoque des sentiments et des états paradoxaux qui innervent nos vies qui se consument inéluctablement.
Julie Crenn
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