RODIN BOURDELLE
Corps à corps
Durant la rénovation du San Francisco Museum of Modern Art, le Grand Palais accueille les oeuvres les plus emblématiques du musée, ainsi que des pièces de la collection Fisher - dont le SF Moma est dépositaire - l’une des collections privées d’art moderne et contemporain les plus importantes du monde.
Commencée dans les années 1970, la collection de Doris et Donald Fisher, co-fondateurs de l’entreprise Gap, rassemble plus d’un millier d’oeuvres signées de 185 artistes tels que Alexander Calder, Roy Lichtenstein, Agnes Martin, Richard Serra ou encore Andy Warhol.
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Introduction | Hommages et filiations
En préambule au parcours de l’exposition, une section liminaire souligne la puissance tutélaire, par un corpus restreint de photographies, de dessins offerts par Rodin à Bourdelle de sculptures offertes par Bourdelle au musée Rodin. On y mesure le poids de la filiation plastique, mais aussi celui de la référence consacrée et récurrente de Michel Ange. Sa vie durant, Bourdelle conserve ce montage de son portrait en regard de celui de Rodin, souvenir de l’époque à laquelle il travaille régulièrement pour lui.
Bourdelle entreprend un portrait de Rodin en 1904. À l’été, il lui réclame des séances de pose, interrompues par le maître. Bourdelle parvient cependant à achever deux sculptures de Rodin en 1910. Rodin au travail le représente debout, devant un fragment de la Porte de l'enfer, un grand compas à la main. Le buste en forme de terme présenté au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts a été ultérieurement tronqué de sa partie basse par Bourdelle, qui a toutefois conservé l’inscription : « Au maître Rodin ces profils rassemblés. » Si la référence est flatteuse, la dédicace affirme toutefois la volonté de géométriser les volumes et d’architecturer les formes, loin du modelé rodininien.
En 1881, Rodin obtient de l’administration des Beaux-Arts la commande de deux grandes figures d’Adam et Ève qu’il envisage de placer de part et d’autre de La porte de l'enfer. Exposé au Salon de 1881 sous le titre La création de l'homme, Adam fait explicitement référence à la nudité musculeuse des célèbres Ignudi [Nus] de Michel-Ange, peints au plafond de la chapelle Sixtine, à Rome (1508-1512). Désignant le sol, Adam semble s’arracher douloureusement à la terre originelle. Sept ans après, Bourdelle traite le même sujet dans un style académique marqué par Michel-Ange. Le geste de désespoir obéit à l'iconographie canonique d’Adam, accablé par le poids du péché originel
Durant la Première Guerre mondiale, le Petit Palais joue un rôle patriotique important, en exposant des œuvres d’art mutilées et des concours de cocardes de Mimi-Pinson. En 1925, il est au centre de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes où se côtoient pavillons traditionnels, Art Déco et de l’avant-garde internationale. À quelques pas, dans l’actuelle avenue Franklin Roosevelt alors appelée avenue d’Antin, le grand couturier Paul Poiret s’installe dans un superbe hôtel particulier en 1909. Il marque les esprits en y organisant en 1911 la mémorable fête de « La Mille et Deuxième Nuit ». Le lieu abrite aussi la galerie Barbazanges, où Les Demoiselles d’Avignon de Picasso est révélé pour la première fois en 1916.
Section 1 | L'âme du matériau
La première section interroge le rôle du praticien, montre pourquoi et comment Bourdelle devint les « mains » de Rodin, transcrivant dans la pierre des modèles en plâtre du maître, dont la magistrale Eve (prêt exceptionnel de la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague) constitue l’ultime chef-d’œuvre. Elle dit aussi la fascination réciproque des deux hommes pour le marbre et l’esthétique de l’inachevé.
Bourdelle, praticien de Rodin
Neveu d’un tailleur de pierre et fils d’un ébéniste, Antoine Bourdelle apprend très tôt le travail de la matière. Auguste Rodin fait connaissance avec l’oeuvre de son cadet au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de 1892. Assailli de commandes, Rodin fait alors travailler une dizaine de praticiens, et sollicite Bourdelle.
Entre 1893 et 1907, Bourdelle taille une dizaine de marbres pour Rodin dans ses ateliers (actuel musée Bourdelle), aidé de ses propres praticiens et élèves. Désireux d’être davantage qu’un simple exécutant, il propose notamment de le seconder auprès des fondeurs. De son côté, Rodin soutient le jeune sculpteur, notamment pour le Monument aux combattants de Montauban, marqué par l’expressivité rodinienne.
En 1902 apparaissent les premières tensions : Bourdelle tarde trop à tailler Ève et propose pour le buste de Rose Beuret une composition rejetée par Rodin. Pourtant leur collaboration dure encore quelques années. En mars 1908, Bourdelle peut enfin écrire : « J’ai en ce moment beaucoup de travaux. Je n’ai plus besoin de travailler pour Rodin. Je vends beaucoup. »
En 1902 apparaissent les premières tensions : Bourdelle tarde trop à tailler Éve et propose pour le buste de Rose Beuret une composition rejetée par Rodin. Pourtant leur collaboration dure encore quelques années. En mars 1908, Bourdelle peut enfin écrire : « J’ai en ce moment beaucoup de travaux. Je n’ai plus besoin de travailler pour Rodin. Je vends beaucoup. » S’il réceptionne la pierre à tailler dans ses ateliers en 1893, Bourdelle reçoit plusieurs commandes personnelles qui retardent son exécution. Il y travaille ponctuellement à compter de 1901, pressé par Rodin. Bourdelle restitue jusqu’aux imperfections de la peau et se garde de trop lisser chaque centimètre carré du calcaire devenu chair de cette fi gure issue des réfl exions de Rodin pour La porte de l'enfer.
Intermède : Rodin et Bourdelle collectionneurs
Rodin et Bourdelle furent l’un comme l’autre des collectionneurs enthousiastes. Choisi dans leurs collections respectives, un ensemble significatif témoigne de leur fraternité esthétique comme de leur curiosité insatiable : outre l’Antiquité gréco-romaine, des œuvres égyptiennes, hindoues japonaises, perses, des objets d’art et des sculptures médiévales donnent matière à rêver et à créer…
Partie 2 : esthétique du fragment
Cette seconde section souligne l’expressivité plastique d’un « corps en morceaux » – tête, main, torse –, auquel Rodin, le premier, confère une pleine légitimité.
Un ensemble de masques rappelle que cet abrégé saisissant de la personne fut largement exploité par les deux sculpteurs en quête d’expressions synthétiques et de symboles puissants.
Les mains résument à elles seules l’esprit d’une composition au point que certaines ont été traduites en marbre comme La Main de Dieu (1898-1902) de Rodin, fondues en bronze comme la Main désespérée (1900) de Bourdelle. Au regard des deux artistes, elles constituaient « un portrait en acte ».
De la vibration du modelé à la géométrisation et la synthèse des formes, le torse instaure un dialogue exemplaire entre des plâtres et des bronzes de Rodin et de Bourdelle et la radicalité de figures de Raymond Duchamp-Villon (1876-1918), de Constantin Brancusi (1875-1957), d’Alberto Giacometti (1901-1966), d’Ossip Zadkine (1888-1967), de Chana Orloff (1888-1968). Une percée temporelle où le torse s’érige en totem de la modernité.
Partie 3 : Le monument(al)
La troisième section, pose la question du déploiement de la sculpture dans l’espace. Initiées par Rodin, poursuivies par Bourdelle, les prospections autour du socle attestent leur désir de repenser et décupler les proportions. En revanche, la confrontation de Porte de l’Enfer et du Monument à Balzac du premier, de la façade du Théâtre des Champs-Élysées et du monument de La France du second, offrent une complète antithèse plastique. Au fourmillement vitaliste de Rodin, Bourdelle oppose sa capacité à contenir, maîtriser et architecturer.
Partie 4 : Métamorphoses et hybridations
La dernière section s’intéresse aux centaures, centauresses, symbiose de l’animal, du végétal et de l’humain… Rodin et Bourdelle puisent dans le réservoir inépuisable de la mythologie pour explorer et libérer, en dessin comme en sculpture, les potentialités inépuisables de la forme.
Épilogue
L’exposition se clôt sur l’exploration de la figure debout dans la lignée de l’Homme qui marche de Rodin : l’Autoportrait sans bras de Bourdelle, Le Serf d’Henri Matisse (1869-1954), L’Homme qui marche de Germaine Richier (1902-1959) et l’Homme traversant une place d’Alberto Giacometti (1901-1966) mettent ainsi en évidence la postérité de la voie expressionniste rodinienne comme de la synthèse bourdellienne.
Cette partie vise donc à souligner l’influence des deux maîtres à la sources des avant-gardes, avec en contrepoint, des œuvres d’Henri Matisse (1869-1954), Constantin Brancusi (1876-1957), Raymond Duchamp-Villon (1876-1918), Ossip Zadkine (1888-1967), Chana Orloff (1888-1968), Alberto Giacometti (1901-1966), Germaine Richier (1902-1959).
Jusqu'au 2 février 2025
Entrée : 10 €
Tarif réduit : 8 €
Réservation vivement recommandée : Ici
Cette sortie est organisée dans un esprit de divertissement et de partage, et non par but lucratif ou publicitaire.