Les vingt-trois photographes internationaux réunis dans l’exposition « Les formes de l’eau » explorent les différentes qualités de l’eau, matière folle, mouvante, insaisissable. Qu’elle soit bénite ou porteuse de maladies, sauvage ou domestiquée, symbole d’hygiène ou source de plaisir, elle occupe le cadre de bien des façons dans l’histoire de la photographie.
Au XIXe siècle, elle apparaît sous forme de paysages – mer, rivière, lac –, puis devient, au siècle suivant, sujet de natures mortes : un liquide enfermé dans du verre transparent jouant avec les reflets, comme chez Daniel Masclet (1892-1969), qui se consacre également au portrait. Ces compositions annoncent la nouvelle vision photographique, où l’appareil, avec ses multiples possibilités de cadrage et de lumière, est considéré comme un autre œil. Pierre Boucher (1908-2000), quant à lui, aborde dans les années 1930 le thème de l’eau en l’associant à la sensualité du nu et à la mythologie. Il représente ainsi une ondine, génie féminin des eaux, à l’aide d’un photomontage.
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Chez Dora Maar (1907-1997), la matière liquide sert de miroir pour refléter la ville. Le scientifique américain Harold Edgerton (1903-1990) s’y intéresse aussi, qui met au point la stroboscopie pour décomposer et enregistrer des mouvements invisibles à l’œil nu : une goutte de lait qui s’écrase ou des volutes tombant d’un robinet pour se faire motif abstrait. Dans les années 1930, avec les congés payés et l’arrivée de nombreux vacanciers sur les plages, l’onde fait cette fois l’objet de reportages joyeux qui célèbrent la liberté, comme chez François Kollar (1904-1979).
L’eau peut aussi devenir volume, une épaisseur dans laquelle plongent corps et objets, une profondeur transparente ou opaque, voire une éclaboussure… Toutes ses propriétés sont prétextes, pour les photographes, à traduire esthétiquement ses qualités naturelles. Les clichés sélectionnés, tous en noir et blanc, sont représentatifs de certains courants photographiques et de plusieurs époques, du début du XXe siècle à nos jours. Les catastrophes climatiques, ici, ne sont pas montrées. Seules la beauté et la magie ont la part belle.