Membre des Nouveaux réalistes, ami de Raymond Hains, Jacques Villeglé (1926-2022), pionnier de l'art urbain, s'est imposé avant tout comme « collecteur » d'affiches décollées sur les murs, lacérées et réorganisées pour s'approprier ces « reflets de la culture dominante » et en faire émerger des composantes typographiques devenues abstraites.
Car à travers cette réjouissante sélection de décollages, ses compositions prennent une valeur proprement émotionnelle inattendue en nous rappelant la charge historique et culturelle d’une société d’images. Scénographiés avec simplicité et sobriété, les espaces de la galerie laissent toute latitude aux pièces d’exercer leur frontalité, les détachant avec intelligence de leur condition précaire sans perdre de vue leur essence brute.
Le geste de l’artiste embrasse le signe qu’il perturbe et joue véritablement avec son symbole pour en saluer le statut d’icône. Des visages, noms et marques familières,consciemment partagées par l’artiste qui revendiquait alors une approche décomplexée de l’appropriation de ces affiches promouvant des figures de la culture musicale et du spectacle. Du portrait des villes par les détails de ses murs, c’est un portrait du temps par le détail de ses villes qui se fait jour.
Et son entreprise de relecture d’une communication urbaine embrasse ici la valeur d’un passage de témoin entre les générations, découvrant dans les strates du temps les motifs qui nous unissent.