"En abordant les oeuvres de Tana Borissova nous sommes confrontés à une véritable épiphanie de la peinture, tant les tableaux proposés à notre regard échappent aux classifications immédiates par lesquelles nous appréhendons habituellement cet art. Le spectateur n’a aucune prise pour saisir ce qu’il voit. Nul signe évident n’émerge de ces toiles qui puisse satisfaire les interprétations et les identifications rassurantes. Sans doute l’absence de toute iconographie, et la spontanéité des formes organiques témoignent d’une proximité manifeste avec l’abstraction lyrique. Ne faut-il pas voir dans cette peinture, précisément l’effort pour résister aux différents types d’assignations visuelles et conceptuelles qui ont dominé son histoire ?
Tana Borissova partage d’ailleurs la position « indécise » de Nicolas de Staël refusant de choisir entre l’abstraction et la figuration. De fait, si des tableaux aux nuances de bleu peuvent évoquer des chutes d’eau, la peintre refuse toute référence à l’idée même d’un paysage. La nature qui se donne à voir ici n’a rien de l’impression fugitive d’une scène champêtre ou pastorale. Elle renvoie bien plus à une conception antique de la phusis désignant le surgissement incessant de formes naissantes, dont l’artiste saisit miraculeusement l’élan dans l’épaisseur de sa peinture.
Pour donner une consistance plastique à sa recherche, Tana Borissova se joue savamment des jeux de contrastes entre l’intensité des fonds noirs et l’efflorescence chromatique envahissant la toile. Elle recourt également à la dualité des effets de transparence et d’opacité, tempérant l’impact de ses empâtements rugueux par la liquidité de l’acrylique peinte à même le sol. En conférant ainsi aux motifs naissants l’apparence de matières crépitantes, l’artiste ouvre sa peinture aux éléments d’une poétique du feu et de l’imaginaire de l’eau.
Chaque tableau ne témoigne-t-il pas de la même énergie vibrante du geste de l’artiste ? Les figures sont toujours en suspens, prises dans l’entre-deux de leurs présences nues et la pesanteur d’une absence, comme autant de passages, d’émergences, de brisements et d’éclats. La toile devient le lieu d’une véritable concaténation de formes torsadées, fragmentées et ondoyantes, emportant ses motifs tout autant dans des devenirs aquatiques et charnels, que dans les embrasements aériens et lyriques de la série Embrasure.
En surgissant du fond obscur de la mémoire, la peinture de Tana Borissova offre une expérience de l’instant, arrachée à l’oubli et à l’aliénation du monde."
La Lou & Loo Gallery accueille l’artiste plasticien sud-africain Andrew Ntshabele pour sa première exposition en France, du 8 avril au 21 mai 2022.
Andrew Ntshabele élabore rapidement une technique très personnelle, mêlant collage et acrylique sur des grands formats. Sur ses fonds couverts de journaux, des figures monumentales se déploient.
Andrew Ntshabele peint avant tout ce qu’il observe. Ses personnages sont comme cueillis directement dans les rues, pour être déposés sur sa toile. Son travail s’inscrit dans une large réflexion sur les changements physiques, socio-économiques et politiques négatifs de la ville post-apartheid de Johannesburg, résultats de son urbanisation rapide. Par ses fonds de journaux, il dépeint la pression et les contraintes qui en résultent pour les citoyens qui vivent et travaillent dans la ville quotidiennement, entourés de pollution et d’ordures. Les rencontres avec ces personnalités l'incitent à enquêter sur ces difficultés sociales et à chercher à comprendre les causes profondes de la dégradation actuelle des centres-villes.
Après la pandémie de Covid-19, il a eu le sentiment que les gens ressentaient le besoin de se (re)confrontrer à l'art et de (re)trouver la joie en ces temps difficiles. De ses nouvelles productions artistiques, ressort un sentiment plus joyeux. Pour cette nouvelle série, il a exploré le travail à grande et moyenne échelle, en reprenant comme matériel des journaux contemporains liés à des articles sur le Covid-19.