J’ai longtemps cru que la couleur rose résumait la peinture de mon père (lui qui disait) entre deux bouffées de gauloise, "L’avenir est d’un rose très très pâle" (...). (Mais) si le rose était la couleur de l’avenir de Proweller, le jaune soudain m’est apparu comme sa couleur du présent, la couleur de la vie.
Dès ses débuts en Pologne avant guerre, fou de peinture, il annonce la couleur. Celle de la lumière
de Van Gogh et de son obsession pour "cette diable question de jaune", de Matisse mais avant tout de Cézanne dont Les Joueurs de cartes, glissés dans sa poche, l’accompagneront pendant les années de guerre. Éclipse de soleil et de peinture. Monde en noir et blanc. La Seconde guerre engloutit corps et biens. N’en resteront que cendres et fumée.
(...) Plus tard, lorsque la critique parisienne s’accordera à dire que Proweller est le peintre du bonheur, seul Jean-Marie Gibbal comprendra qu’il a le souci de la lumière vivante au milieu d’un temps d’angoisse" car derrière les couleurs, ombre et lumière sont indissociables comme le sont espoir et tragédie. (...) Derrière le jaune guette toujours le noir. Le jaune du peintre apatride est une des armes de sa lutte contre la nuit du passé, le contenant mais ne l’effaçant pas. (...) En 1948, Proweller quitte à jamais la Pologne avec femme et enfant et pose enfin le pied dans sa Terre promise, la France. Malgré la misère et la maladie, la peinture reprend peu à peu ses droits. (...) Quand mon père va s’approvisionner en matériel chez Sennelier, sur sa liste d’achat retrouvée, les jaunes sont majoritaires.