Critique : Second long métrage en tant que réalisateur de Walter Hill, Driver est moins connu dans sa filmographie que Les guerriers de la nuit, 48 heures, ou même Sans retour. Cette production 20th Century Fox fut d’ailleurs plutôt mal accueillie par la critique, surtout américaine, qui n’y vit qu’un exercice de style superficiel, au scénario sans intérêt. Pourtant, avec les années, l’œuvre a été réévaluée. Le distributeur Les Acacias en propose une reprise en novembre 2022 : le négatif couleur original a été scanné en 4K à Colorworks qui a achevé la restauration 4K sous la supervision du réalisateur. Élégant et efficace, Driver est révélateur du savoir-faire artisanal de Walter Hill, qui en a aussi signé le script. Certes, le récit sur le papier n’est pas d’une originalité folle, avec une histoire de série de braquages, course-poursuites et manipulations en tous genres. Le cinéaste a en fait réutilisé certains détails narratifs de ses travaux antérieurs, l’épisode du sac rempli d’argent dans une consigne de gare et de la traque dans un train s’avérant un copié collé d’une célèbre scène de Guet-apens (Peckinpah, 1972), dont il avait écrit le scénario.
- © 1978 Twentieth Century Fox Film Corporation - StudioCanal Films Ltd
Et Walter Hill avoue s’être référé à de nombreux classiques qu’il admire. Ainsi, le fait que les protagonistes n’aient pas de nom mais soient désignés par des sobriquets (« the driver », « the player », « the detective ») renvoie à Kurosawa et Leone. Et le passage où le conducteur est innocenté par la joueuse lors d’une identification de suspects est emprunté au Samouraï (Melville, 1967). L’influence du réalisateur français est en outre manifeste dans les longs moments de silence (les cinq premières minutes du film sont même muettes) et l’aspect hiératique du personnage du conducteur (et de son interprète). Car la mise en scène révèle aussi des références, ne serait-ce que par les trois courses-poursuites dans Los Angeles qui font écho à celles se déroulant à San Francisco dans Bullitt (Yates, 1968).
- © 1978 Twentieth Century Fox Film Corporation - StudioCanal Films Ltd
Le mérite de Walter Hill est de ne pas avoir été écrasé par ces héritages et d’avoir réussi un spectacle concis (on apprécie sa durée de moins de quatre-vingt-dix minutes), dans la continuité des films noirs de l’âge d’or hollywoodien (les perles policières d’un Jean Negulesco ou d’un John M. Stahl). Et l’on peut penser que le long métrage a lui-même imprégné des œuvres plus récentes comme Drive (Winding Refn, 2011) ou Baby Driver (Wright, 2017). Driver donna l’un de ses derniers grands rôles à Ryan O’Neal, beau gosse des seventies, surtout connu pour Love Story et Barry Lyndon. À ses côtés, Bruce Dern est grandiose en flic maléfique et sarcastique. Quant à Isabelle Adjani, dont c’était le premier film américain, elle revisite avec charme la figure archétypale de la femme fatale. Sans être une œuvre majeure du cinéma américain, Driver est donc une bonne surprise qui mérite d’être redécouverte.