Avec Don Carlos, Ferdinand Flame se saisit de la fable politique de Schiller pour la mêler au dispositif, quasi panoptique, de l’émission de télé-réalité Loft Story. La mise en scène des protagonistes historiques, qui voient la Cour d’Espagne sombrer dans un régime de post-vérité suite à la trahison de leur roi, entre ainsi en résonance avec le terrarium où Loana et ses acolytes rivalisent entre eux pour gagner en reconnaissance. Pourtant, de confession en confession, quelque chose se déplace. Dans un monde où la valeur de la parole s’érode à mesure qu’enflent les fake news et que s’étend le royaume des apparences, les personnages du XVIe siècle, les jeunes gens du loft, mais aussi les acteurs qui interprètent la pièce ne cessent de se débattre. Malgré leur enfermement, malgré les structures de pouvoir et en dépit des pièges de l’outrance et du narcissisme, leur quête d’amour ne faiblit pas. Le recours aux techniques de la télé-réalité – surtitres, confessionnal, voix off – se transforme ainsi en une machinerie théâtrale diabolique où le vrai, pour paraphraser Debord, est un moment du faux. Au soupçon répond l’exigence de sincérité, et à la morsure du mensonge le désir inextinguible, sinon l’idéal romantique, de vérité. Notre société, notre théâtre, deux lieux de l’artifice et de son double.
À propos de Ferdinand Flame
Ferdinand Flame est né à Paris en 1991. Il se forme au jeu puis intègre l’école du Théâtre National de Strasbourg – section Mise en scène – en 2016 (Groupe 44). Il y met en scène plusieurs spectacles à Paris, Liège ou Strasbourg. Il y travaille avec Julien Gosselin, Maxime Kurvers ou encore Ivo Van Hove. À sa sortie, en 2019 il co-écrit et co-met en scène un film : Municipale, sélectionné à L’ACID Cannes 2021, et sorti en salles en janvier 2022. En 2022, il assiste Séverine Chavrier sur sa dernière création : Ils nous ont oubliés. Il travaille à ses propres créations théâtrales : Don Carlos et les Pièces en appartements.