Pourquoi n’accorderait-on pas au rêve ce qu’on refuse parfois à la réalité, soit cette valeur de certitude… ? Selon les Runa d’Amazonie, dont l’anthropologue Eduardo Kohn a précisément étudié la cosmologie, grâce aux rêves, ces produits de l’errance de l’âme, nous, les humains, pouvons échapper à la certitude de notre exception, celle-là qui a poussé l’Occident à nommer « culture » ce que nous créons et dont nous pouvons nous prévaloir, et « nature » tout ce reste incompréhensible, indompté encore, voire indomptable. C’est grâce aux rêves que nous pouvons nous affranchir de cet « autisme cosmologique »1, sortir de cet isolement ontologique et entrer, enfin, en communication avec les autres espèces, vivantes et mortes, reconnaître, enfin, leur puissance d’agir et de penser. Car, ce qu’il faut comprendre, c’est que le rêve, comme la pensée, n’est pas un privilège humain. Les chiens rêvent aussi et dans leurs songes ils sondent les tremblements de la terre.
Les œuvres ou plutôt les « visions » qu’offrent les environnements, les films, les mises en scène et les ensembles photographiques de Virginie Yassef empruntent cette voie du rêve pour illustrer les relations entre espèces, dérouter la perception et l’accompagner hors des limites de la perspective humaine, dans un labyrinthe de sons et de signes.