sa passion pour les dessins de son illustre voisin. En collectionneur avisé et exigeant, il expose dans sa
galerie du Louvre des Antiquaires les œuvres d’un homme qui se voulait poète avant tout et affirmait:
«Le dessin est une écriture dénouée et renouée différemment.»
Dans cet exercice qu’il a pratiqué sans
relâche, Cocteau se livre avec force et sincérité.
Les quatre dessins illustrant Le Fils de l’air relatent l’essor d’un jeune garçon enlevé à sa mère par des gitans qui lui apprennent à devenir funambule… Dans la position du dormeur, Raymond Radiguet offre une image apaisée de l’adolescent insolemment doué qui a partagé une rare émulation littéraire
avec son aîné:
«il mettait son désordre en ordre et nous évoquait quelque végétal ou animal capables debvisiter et d’analyser les zones inconnues de l’inconscience.»
Quant aux représentations des Comédiens 37
ou des Chevaliers de laTable Ronde, elles reflètent la fascination de Cocteau pour le jeune Jean Marais dont
il avait maintes fois tracé le profil avant leur rencontre.Cette vision panoramique ne pourrait se terminer
sans un détour par les dessins libres et parfois extravagants.
Avec une extrême simplicité du trait,Cocteau
donne libre cours à ses fantasmes.
Lui qui ne s’aime pas se cherche un double sublimé dans les faunes et les matelots qui hantent sa mythologie personnelle.
Semblables à des pépites, ces œuvres rassemblées donnent un nouvel éclairage sur un incompris
qui,si l’on en croit son amie Colette, «a gardé ce que nous avons tous perdu : la fantasmagorie intime».
DOMINIQUE MARNY