Parmi les multiples réponses apportées par les arts au progrès technique du début du XXe siècle, l’œuvre d’Ella Bergmann-Michel est singulière : avec une grande précision, l’artiste renouvelle la manière d’exprimer les rapports d’interdépendance entre éléments mécaniques et organiques. Alors que Fritz Kahn représentait le corps humain comme une usine, ou que des artistes comme El Lissitzky transposaient l’homme et la nature dans des formes géométriques, Ella Bergmann-Michel a créé des images qui intègrent des systèmes complexes et parfois mystérieux. Ses dessins évoquent des circuits électriques, des structures organiques, dans des associations d’idées nourries de surréalisme.
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Une des curiosités de l’œuvre de cette artiste majeure, réside avant tout l’oubli qu’elle a subi au sein du récit commun de l’histoire de l’art. Parfois redécouverte, mais toujours insuffisamment appréciée, Ella Bergmann-Michel, avec son œuvre multidisciplinaire, qui comprend des dessins, mais aussi des films et des photographies socialement engagés, illustre les mécanismes de l’historiographie artistique. Bien qu’elle disposât d’un excellent réseau relationnel, elle vécut relativement isolée dans le Taunus, n’eut pas le droit de travailler ni d’exposer pendant la Seconde Guerre mondiale et ne fut – probablement aussi en tant que femme – jamais au cœur de l’attention. Ella Bergmann-Michel offre à celles et ceux qui ne la connaissent pas encore une œuvre originale, qui, comme l’un de ses dessins fonctionnels, s’apparente à d’innombrables œuvres d’autres artistes du monde entier, puis s’en détache, pour se révéler finalement tout à fait singulière