CorpsÉcorce
À l'ère de l'anthropocène, Florent Lamouroux nous propose de reconsidérer le visible et l'enfoui afin d'en faire émerger la complexité du règne du vivant. Allant à l'encontre du sens commun, son engagement s'incarne par l'économie de moyens dont il fait choix, par l'usage de son propre corps et de matériaux pauvres mais connotés, symboliques de notre époque.
Les oeuvres présentées à la Galerie Isabelle Gounod à l'occasion de sa troisième exposition personnelle, témoignent d'une évolution de sa pratique. Les questions d'identité et de territoires jusqu'alors traitées au sein de corpus d'oeuvres distincts se confondent désormais, des corrélations s'établissent entre épiderme et écorce terrestre : ces parallèles nous invitent à penser la biosphère comme un unique tout.
De ce postulat, ce sont deux concepts intimement liés que l'artiste développe, ceux de la transformation et du cycle. Les altérations de surfaces révèlent un en-dessous, des abysses, qui attestent de l'aspect protéiforme et mouvant de l'univers.
Ainsi, les Cartographies (2019-2020) représentent des paysages anthropomorphes recouverts de bitume, matière organique, s'élevant avant de se dissoudre et de réintégrer les couches sédimentaires originelles. Telles des concrétions, les reliefs plus énigmatiques et hybrides des séries Cartographies éruptives (2021) et Cartographies telluriques (2021) renforcent quant à eux une dimension plus sculpturale. Ces vues en coupe de strates lithosphériques, socles de la vie, rendent compte de la perméabilité et porosité de la matière.
Des silhouettes standardisées, disposées de façon sérielle, se répondent en négatif. Les figures humaines en céramique émaillée de l'oeuvre Érosion (2021) semblent ancrées, enracinées dans un sable noir, elles sont le contrepoint de celles de Débordement (2021) qui paraissent émerger de la surface d'un bitume. Les corps évoquent ici les interactions millénaires entre la matière minérale, organique et les éléments.
La réplique plastifiée du corps de l'artiste, leitmotiv de son oeuvre (Déconditionnement 2018, Autoproduction 2016, Posturb 2013), ici en position foetale se fait allégorie de la transmutation des états de la matière, incarnant ainsi les différents instants du cycle géophysique : de son dos, déchirant sa peau de plastique (scotch et sacs poubelle), des volumes surgissent, se solidifient avant de s'éroder.
Traits d'union entre le micro et le macroscopique, les Boules à neige (2019-2021) deviennent métaphore d'un paysage terrestre en mutation. Bien que d'aspect ludique ces imitations de souvenirs de voyages portent en elles un message de mauvais augure, préoccupant, voire inquiétant. En effet, les particules de plastique qui s'agglomèrent à la surface de l'eau démontrent la capacité d?adaptation et d'intégration de cette matière qui, depuis des décennies, rejoue insidieusement la formation des continents.
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