Parmi les nombreuses fêtes célébrées au Bauhaus de Dessau, le Bal du métal organisé le 9 février 1929 est légendaire. Les étudiants, déguisés en ouvre-boîtes, fouets à œufs, boulons et écrous, étaient invités à célébrer la fête au cœur d’un espace recouvert de papier-miroir et rempli de centaines de globes réfléchissants, suspendus au plafond. Au même moment, le philosophe autrichien Otto Neurath et l’artiste allemand Gerd Arntz créaient l’Isotype, un langage universel, visuel et non verbal, constitué de 4000 pictogrammes destinés à l’éducation, la signalisation dans l’espace public et la visualisation de données. Des miroirs et des signes pictogrammatiques, autant de dénominateurs que partagent la nuit du Bauhaus et l’exposition « Mirror », la première de l’artiste allemande Anne Neukamp à la galerie Semiose.
Trombones, cordes, enveloppes, bloc-notes, sifflets, clés, serrures et miroirs, voilà quelques-unes des choses de notre monde qu’Anne Neukamp a cherché à représenter dans sa peinture. Pour elle, l’activité représentative n’a pas pour moteur une ambition réaliste. Son intention apparaît plutôt strictement sémiologique : il s’agit de produire le signe d’un trombone, d’un sifflet, d’une serrure, ou d’un miroir, c’est-à-dire une image dont la compétence représentative est réduite au strict minimum.
Dans l’exposition « Mirror », l’artiste présente une dizaine de nouvelles peintures donnant à voir, sur des fonds instables réalisés à la tempera et à l’huile, des pictogrammes de miroir de divers types : certains sont sur pied (Announcement ; Tilt ; Sprout), d’autres sont doubles (Duplopia ; Revision ; Together) ; d’autres encore sont brisés (Incident ; Fall ; View). Le miroir, l’objet réel ou son image, a intéressé nombre d’artistes selon des modalités différentes. Chez Magritte, de nombreux miroirs (Le Faux miroir, 1928 ; La Reproduction interdite, 1937) ne reflètent pas le monde tel qu’ils le devraient, comme si l’objet spéculaire s’était détraqué. Quant aux Spiegel (à partir de 1981) de Gerhard Richter, miroirs achetés dans le commerce pour être convertis en substituts de tableaux, ils témoignent d’un désir de présence au monde immédiat, d’un art soucieux de ne plus ignorer l’espace où il prend place. Dès 1962, avec les Quadri specchianti de Michelangelo Pistoletto, qui mêlent images peintes et reflets, le miroir se proposait comme un possible ersatz de tableau. Devant les peintures d’Anne Neukamp, on songe toutefois davantage à d’autres miroirs, notamment la série des Mirrors(1969-1972) de Roy Lichtenstein, qui avait très tôt, et non sans humour, fixé le régime sémiotique de l’abstraction pop – la représentation d’une abstraction. Si les peintures d’Anne Neukamp sont les évidents descendants des miroirs de Lichtenstein, leur origine digitale leur confère toutefois une authentique spécificité.
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