ANIMALIA - Le singe et l’hirondelle
Avoir aperçu une bête sauvage - dauphin, loutre, héron, renard, vipère - me fait ma journée. Quand je rencontre un nouveau visage, je n'ai pas de repos que je ne lui aie trouvé son animal, son homologue en physionomie dans les univers immenses de Cuvier, de Fabre ou de Linné. Ces apparentements, je ne sais pourquoi, me rassurent.
Cette parenté avec le monde animal que je ressens profondément remonte aux jours lointains de cette Arche où nous vivions plutôt serrés mais tous ensemble et où, pendant mille interminables journées de pluie, de solides connivences se sont établies.
Après que Noé eut échoué sa coque sur les flancs du Mont Ararat, cette grande ménagerie s'est vidée; chacun est retourné à ses affaires, de son côté, les uns vers Nachitchevan, les autres vers Maku, comme si cette cohabitation n'avait été qu'un songe. Ce jour-là, beaucoup de promesses ont été oubliées et l'humanité a perdu en partie de sa substance.
(Nicolas Bouvier, Le Hibou et la Baleine, éditions ZOE, 1993)
Nicolas Bouvier, à sa façon poétique et souriante, dit si bien à quel point le monde animal nous est cher, à quel point il nous touche.
Il fait aussi le constat d’une séparation, de la perte de l’ancienne proximité entre l’homme et les autres membres du règne animal.
Les photographes, comme les fabulistes, tentent parfois de renouer ces fils. Ils nous montrent que cette proximité n’a pas totalement disparue et que tout est affaire de regard et de sensibilité.
Les animaux sont omniprésents dans l’œuvre de Pentti Sammallahti comme dans celle de Michel Vanden Eeckhoudt et ils occupent une place importante chez Yamamoto Masao.
Ils apparaissent aussi chez Paolo Roversi, portraiturés à l’égal des humains et le monde rêvé de Sarah Moon est peuplé d’oiseaux, d’éléphants et de chiens.
Leur humanité nous touche chez Michael Ackerman et Bernard Plossu saisit magnifiquement les rencontres fugaces, légères, pleines de vie, qu’ils nous offrent.
Il nous fallait bien rassembler un jour cette ménagerie et voir quel dialogue pourraient avoir entre elles toutes ces bêtes. C’est le projet de cette exposition, imaginée pour le plaisir.
Didier Brousse