ADELINE CARE
MARSEILLE, TEMPÊTE !
La Méditerranée, devenue bile noire, effleure les terrasses du littoral
dans un ultime avertissement.
Quand le vent tourne, c’est le monde entier qui vacille. Comme si un
ciel chargé de nuages, une
mer trop calme, une lumière déclinante nous ramenait toujours à
l’intuition du Déluge : un jour, tout
sera submergé par l’océan. Habitée par ce pressentiment primitif,
Adeline Care sillonne Marseille
quelques minutes avant l’orage. La nature retient son souffle comme
ces garçons aux muscles ten-
dus, qu’elle photographie, avant de sauter dans l’eau.
Selon le mythe diluvien propre à presque toutes les cultures du monde,
l’Humanité gonflée d’orgueil
finit engloutie par les flots. Mais pas de jugement dernier chez la
photographe qui préfère saisir les
derniers moments d’insouciance. Là, une femme se prend en selfie
dans une eau satinée. Au large,
des baigneurs se croient dans une piscine alors qu’autour d’eux se
dessinent des baïnes. La me-
nace approche et chaque élément du paysage semble se dire adieu :
deux rochers se figent avant
d’avoir pu s’embrasser une dernière fois.
Adeline Care chasse les tempêtes pour peut-être y déceler une vérité.
Si ce n’est un condensé de
vie avant le néant.
Texte d’Annabelle Martella