Peybak: Abrakan Collapse

Des bêtes redoutables qui pullulent autour des femmes nues et paniquées. Un serpent-totem au milieu, catalysant cet étrange nuage et semblant prêt à libérer son venin. Des diablotins, mi-animal mi-homme, qui veulent mordre des peaux au milieu d'une orgie noire et horrifique. Bienvenue dans l'univers du duo Peybak, contraction de Peyram Barabadi et Babak Alebrahim Dehkordi, deux artistes iraniens qui font surgir des profondeurs des créatures inouïes et terrifiantes dans la pure veine des figures bizarres du Jardin des Délices de Jérôme Bosch. Ici un visage hurlant de douleur, là un bec d'oiseau prêt à mordre ou encore le regard halluciné d'une chèvre en train d'étouffer... Les variations sur les bêtes curieuses et mordantes issues de l'imaginaire de ces deux artistes sont nombreuses. . Sans doute disent-ils qu’il y a quelque chose de troublé dans nos âmes, comme un chant désespéré et sombre au plus profond de nous.

C'est notamment le cas de certaines peintures qui rappellent par leur finesse les fresques de Pompéi. Les deux amis se sont rencontrés à l'école d'art de Téhéran en 2000 et exposent régulièrement depuis près de dix ans à la Galerie GP & N Vallois. Ils donnent vie à quatre mains à ces figures sombres et envoûtantes, tels des génies de l'ombre, petits dieux vagabonds de l'au-delà, habitants d'un territoire qu'on ne peut atteindre complètement, qui est du royaume des âmes et de la poésie. Selon les mots de Charles Baudelaire, qui se prêtent bien à cette aventure artistique et sensorielle : « La poésie est la chose la plus réelle. Elle représente ce qui n'est complètement vrai que dans un autre monde. » La porte de cet autre monde est grande ouverte avec le duo Peybak naviguant allègrement sur cet océan parallèle, cette terra incognita qu'est leur terrain d'exploration.

La noirceur des œuvres rappelle autant les Caprices de Goya que les personnages macabres de Zoran Mušič et a également une dimension spirituelle. Les créatures inventées par Peybak font écho à celles de la mythologie perse antique et du zoroastrisme. Des goules, les monstres qui déterrent les cadavres pour s'en nourrir, à Al, l'esprit démoniaque du Caucase qui s'attaque aux femmes enceintes pour leur voler leurs bébés, en passant par le Simorgh, l'oiseau mythique et fabuleux capable de porter un éléphant, il en existe de nombreux. des références que l'on peut associer aux bêtes du duo Peybak. Parfois dangereux, parfois bienveillants, ils hantent notre subconscient et se logent au plus profond de notre mémoire. Ils en disent long sur le sentiment de sacré que nous pouvons ressentir, en particulier dans la douleur la plus intense que nous puissions rencontrer. Car ces créatures semblent maudites, chétives et entièrement livrées à leur cruauté. Ils font et défont la vie. Ils semblent être à l'aube des choses ou à la mort des choses. Des psychopompes tout droit sorties du purgatoire le plus profond.