A 4 Mains

Accueillir l’autre en soi, c’est lui laisser une ouverture possible et le laisser nous transformer. Permutations, additions, montages, mixages, saturations, superpositions, palimpsestes, déconstructions, transformations… : les quatre mains et les quatre yeux se revisitent mutuellement le long de tous ces processus. Il faut faire et voir à l’envers ce que l’autre fait et regarde à l’endroit. Les yeux et les mains se dédoublent par une sorte de sorcellerie pour permettre au third mind — le tiers esprit — de surgir. Le tiers esprit nous met à notre juste place, nous montre notre écriture propre qui se dessine si bien à côté de l’écriture de l’autre. Comme en amour en somme : c’est le lien indestructible qui dépasse les amants qui constitue la grâce.

L’autre devient notre double magique : à l’instar de ce double imaginaire qui s’envole du corps de l’ensorceleuse quand celle-ci dort si profondément. L’ensorceleuse s’est assoupie et, à son réveil, elle raconte tous ses rêves dans un dédoublement qui annonce peut-être celui qui permettra l’envol de l’âme au-delà du corps éteint pour revenir hanter les vivants. « Pour toucher la magie il faut y mettre la main et pas que du bout du doigt », affirme Ramuntcho Matta dans le texte qu’il a écrit pour ce catalogue. C’est vrai, ce sont les corps tout entiers des artistes qu’il faut convoquer et voir à l’ouvrage pour comprendre toutes ces œuvres croisées. Car ce sont bien tous les mouvements des corps qui parlent dans une sorte de langage d’avant le langage.

Il s’est agi pour chacun·e des artistes de coupler ses gestes à ceux de l’autre comme s’il n’y avait pas de parole possible ou pas de parole nécessaire mais que les gestes élémentaires de voir, de peindre ou de dessiner suffisaient à dialoguer profondément.

Extrait du texte de Kristell Loquet