« Bienvenue dans l'ovni théâtral signé Frédérique Lazarini, adapté du sarcastique et féministe roman d'Amélie Nothomb Barbe bleue (2012) lui-même adapté du conte de Perrault (1697). Dans de surréaliste décors dorés se raconte tendrement et cruellement à la fois un conte immémorial sur les désirs insidieux des hommes et des femmes, leurs joutes, la transgression et ce qu'est la quête de l'autre. » Fabienne Pascaud, Télérama
« Hantée par la fable originelle, une quête de vérité se déploie, pétrie d'étrangeté, d'inattendu et de fantaisie. Un duel à suspense, un jeu amoureux à haut risque. La réjouissante fiction fabriquée sur la scène de l'Artistic Théâtre s'amuse des chemin tortueux du désir et laisse entrer au coeur du quotidien le fantastique, la magie. Une réussite qui pétille comme un champagne ! » Agnès Santi, La Terrasse
« Les dialogues de Nothomb régalent : Saturnine et son Barbe-Bleue causent des vertus de l'ascèse, du bien et du mal, de photographie argentique, de l'or en bulles, de l'amour et de la théorie des couleurs, clé de l'énigme. Voilà du théâtre jubilatoire. » Anthony Palou, Le Figaro
« Pierre Forest est à la fois inquiétant et touchant en aristocrate misanthrope et esthète, Lola Zidi est charmante et charismatique en vamp féministe, Cédric Colas est désopilant en majordome-chauffeur-percussionniste et Helen Ley hilarante en Corinne, le repoussoir gentiment niais de sa copine pourfendeuse du patriarcat. » Catherine Robert, L'Officiel des spectacles
« Frédérique Lazarini orchestre cette partie d'échecs sentimentale, en distille les horreurs et les merveilles. Piquant spectacle joliment assaisonné de comédiens vifs. » Nathalie Simon, Théâtral magazine
« Barbe bleue en gilet de soie : un spectacle raffiné. » Catherine Schwaab, Paris Match
Le privilège des contes, par leur nature atemporelle, est d'offrir aux écrivains qui abordent leur réécriture, un espace de liberté, de contraintes ludiques, ou de re-création décalée. Ils peuvent se tenir assez sagement dans la trame ou la tordre, l'inverser, la contourner. Amélie Nothomb se saisit ici de la figure de Barbe-Bleue et l'inscrit dans une fiction contemporaine, tout en couvrant son héros d'une prestance presque anachronique... et d'une passion obscure (et très occasionnelle) pour la photographie argentique.
Ce Barbe-Bleue, comme celui de Charles Perrault, va à son tour donner accès tout entier à son luxueux appartement à la jeune héroïne, exception faite d'une seule pièce, la chambre noire, qui n'est pas fermée à clef (mais ne pourra plus s'ouvrir de l'intérieur). Saturnine apprendra que son hôte y pratique, derrière l'objectif de son Hasselblad, une drôle de technique d'immortalisation...
Loin du conte moral d'antan - la curiosité est un vilain défaut ! - le texte d'Amélie Nothomb tisse un formidable rapport de combat entre ces deux principaux protagonistes, la jeune femme étant ici à égalité avec « son séducteur », son prédateur. S'engage alors comme une passionnante partie d'échecs entre lui, Don Elemirio, le monstre (?), enfermé comme en un donjon dans une posture d'esthète, et elle, Saturnine, héroïne sagace et duelliste virtuose... prête à affronter toutes les rumeurs pour s'arracher au canapé-lit de banlieue de son amie Corinne et se laisser servir par Mélaine, le majordome mystérieux.
Car aussi l'univers de Don Elemirio est fascinant et l'on n'y renonce pas sans y avoir goûté : son amour des femmes, son sens inouï de la beauté, de l'art culinaire, de la haute-couture, des couleurs... sa noblesse, sa richesse, son érudition. Sans se laisser tenter par le « cabinet noir », on se laisserait presque prendre par la passion.
Pourtant la relation qui lie les deux héros est à la fois une relation cérébrale et sensuelle dont la sexualité ne sera jamais consommée... une rencontre à l'image de celle qui lie les personnages de Buňuel au cinéma, dont la quête d'amour et de désir est profonde, vertigineuse, mais avant tout fantasmée, rêvée. Tel Cet obscur objet du désir, ce Barbe bleue est une aventure où le danger, le meurtre, côtoient la tendresse, l'empathie, une subtile intelligence, un surnaturel jubilatoire.
Ce conte violent, qui émane de l'inconscient collectif, engendre ici une héroïne moderne, émancipée etaudacieuse en proie à une masculinité archaïque, tentante et fascinante parfois, mais dangereuse et destructrice.
Amélie Nothomb sonde avec exaltation le thème du franchissement de la porte interdite en le transformant en une quête farouche de la vérité, de l'autre, de soi... son écriture est précise et concise mêlant, dans un style inimitable, une langue sobre digne de l'arte povera, et son pendant riche et florissant, à mesure que s'ouvre le secret.
Le cérémonial cultivé et sublimé par Don Elemirio évoque celui du théâtre, alors que ce démiurge, dans le faste de son somptueux refuge, trouve en la personne de Saturnine un public complice, une réplique féminine à sa hauteur... Comment résister à l'envie de porter le roman à la scène ? De faire entendre ces dialogues brillants, drôles, pétillants comme le breuvage d'or que porte à ses lèvres ce singulier duo ?
Si mon adaptation se veut fidèle, c'est avec une grande liberté que j'ai souhaité aborder l'univers de ce récit, en convoquant le conte d'origine, la magie des fées et les enchantements de Merlin. Car, dans notre théâtre, comme souvent dans l'œuvre d'Amélie Nothomb, le réel flirte avec la fantaisie et le fantastique, pour mieux parler d'absolu, d'une morale inattendue et d'une toute autre vision du monde.
Frédérique Lazarini