Michel CRESPIN 

Rétrospective

Michel Crespin (1955-2001) est un météore. Il entame sa carrière d’auteur de bande dessinée dans les pages de la mythique revue Métal Hurlant en 1977, où il se distingue très vite en signant des récits postapocalyptiques au ton sombre. Pour cela, il va puiser dans ce qu’il connaît, la montagne et l’isolement. Cet auteur réservé, habitant au cœur des Alpes, donne naissance à des albums qui font date comme sa grande saga Armalite 16, rééditée récemment aux Humanoïdes Associés. Ensuite viendront des récits historiques comme Troubadour et Faust, deux fables précieuses et délicates sur la nature de l’homme faisant la part belle aux couleurs. Enfin, un sombre récit inédit préparé pour la collection Histoire & légende du Lombard voit finalement le jour à titre posthume chez Futuropolis en 2008 : Villa Toscane. En accord avec sa famille, une sélection de pages originales extraites de ces livres sont à découvrir du 7 juin au 20 juillet prochain chez Huberty & Breyne, au 36 avenue Matignon.

Ce qui surprend dans l’œuvre de cet artiste rêveur et taiseux, charmeur et discret, c’est qu’elle est porteuse d’idées novatrices plus que jamais d’actualité. Il s’attache à souligner les affres de la nature humaine, l’ambivalence des émotions, la finesse des caractères et l’importance, ou non, de la place de l’homme dans son environnement. Il porte haut des idéaux sans être dupe des travers de la société. Graphiquement, Michel Crespin remet sans cesse en question son écriture. Est-ce l’influence des montagnes qui entourent son atelier ? C’est en tout cas un jongleur de lumières. Sur ses planches en noir et blanc, il parvient à mettre en place un équilibre fragile entre le trait d’une finesse surprenante, les à-plats et les hachures ou la trame mécanique. Il expérimente sans cesse, soigne son lettrage si caractéristique, compose et recompose sans cesse. Sur ses planches en couleur directe, les rouges et les bleus sont purs, des tons plus sombres se substituant parfois au trait, tout en subtilité de densités et de mélanges savants. Il y a un plaisir esthétique évident à voir ses pages originales encadrées au mur. Une fois isolées du récit qu’elles portent, elles rayonnent toujours comme des objets singuliers et autonomes.