EMANUEL PROWELLER
Un souvenir de soleil
J’ai longtemps cru que la couleur rose résumait la peinture de mon père (lui qui disait)
entre deux bouffées de gauloise, "L’avenir est d’un rose très très pâle" (...). (Mais) si le
rose était la couleur de l’avenir de Proweller, le jaune soudain m’est apparu comme sa
couleur du présent, la couleur de la vie.
Dès ses débuts en Pologne avant guerre, fou de peinture, il annonce la couleur. Celle
de la lumière
de Van Gogh et de son obsession pour "cette diable question de jaune", de Matisse mais
avant tout de Cézanne dont Les Joueurs de cartes, glissés dans sa poche, l’accompagneront
pendant les années de guerre. Éclipse de soleil et de peinture. Monde en noir et blanc.
La Seconde guerre engloutit corps et biens. N’en resteront que cendres et fumée.
(...) Plus tard, lorsque la critique parisienne s’accordera à dire que Proweller est le peintre
du bonheur, seul Jean-Marie Gibbal comprendra qu’il a le souci de la lumière vivante au
milieu d’un temps d’angoisse" car derrière les couleurs, ombre et lumière sont indissociables
comme le sont espoir et tragédie. (...) Derrière le jaune guette toujours le noir. Le jaune du peintre
apatride est une des armes de sa lutte contre la nuit du passé, le contenant mais ne l’effaçant
pas. (...) En 1948, Proweller quitte à jamais la Pologne avec femme et enfant et pose enfin
le pied dans sa Terre promise, la France. Malgré la misère et la maladie, la peinture reprend
peu à peu ses droits. (...) Quand mon père va s’approvisionner en matériel chez Sennelier, sur sa liste
d’achat retrouvée, les jaunes sont majoritaires. Ils ont nom : jaune de Naples, jaune cadmium moyen,
jaune cadmium citron, jaune de Mars, ocre jaune, ocre jaune clair